11 mars 2021 - 19:20
Marc Lavigne suspendu un mois
Par: Denis Bélanger

Marc Lavigne

Le maire Marc Lavigne écopera d’une suspension de 30 jours pour s’être placé en situation de conflit d’intérêts et d’avoir ainsi commis trois manquements éthiques en avril 2019. La suspension prendra effet le 1er avril. La juge administrative Sandra Bilodeau de la Commission municipale du Québec (CMQ) a rendu sa décision le 4 mars.

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Durant sa suspension, M. Lavigne ne pourra siéger au conseil ni à tout autre organisme sur lequel il siège à titre de représentant de Saint-Charles-sur-Richelieu. En effet, l’élu siège normalement aux conseils de la MRC, de la SEMECS (matières organiques), AIBR (eau) et la RISAVR (services animaliers). Il ne pourra non plus toucher de rémunération ni d’allocation liée à ses fonctions d’élus. Il reprendra ses fonctions le 1er mai.

Tous les appels et courriels que les citoyens lui achemineront en avril seront transmis aux équipes administratives. Marc Lavigne sera remplacé en avril par le conseiller et maire suppléant Mario Talbot. Notons que contrairement aux maires de villes plus populeuses comme Belœil et Mont-Saint-Hilaire, M. Lavigne a une occupation professionnelle.

Le maire a bien voulu commenter brièvement la situation. « Je prends acte de la décision et je suis sincèrement désolé », a-t-il notamment déclaré à L’Œil Régional.

Un entre-deux

La juge a donc décidé d’ignorer les suggestions des avocats impliqués dans le dossier. D’un côté, la procureure de Marc Lavigne recommandait une réprimande. « Ce n’est pas une recommandation acceptable. Elle ne prend pas en considération l’effet dissuasif et l’exemplarité qu’un tribunal doit rechercher en imposant une sanction et la tendance des décisions qui imposent des sanctions plus sévères dans les derniers temps pour des conflits d’intérêts », écrit Me Sandra Bilodeau.

Cette dernière a toutefois jugé trop sévère la sanction réclamée par l’avocate de la direction du contentieux et des enquêtes (DCE) de la CMQ. En effet, Me Alexandra Robitaille demandait pour l’ensemble des trois manquements éthiques une suspension de 90 jours, soit la période maximale stipulée dans les règles de fonctionnement de la commission. « Les conflits d’intérêts n’ont pas tous la même gravité et, en raison de cela, il faut faire des distinctions quand arrive le moment d’imposer une sanction, souligne Me Sandra Bilodeau. […] Le seul fait de se trouver en conflit d’intérêts ne signifie nullement que la personne concernée est malhonnête. Ce seul fait ne prouve pas non plus que cette personne privilégie son intérêt personnel au détriment d’un intérêt supérieur. »

Rappelons que M. Lavigne s’est placé en situation de conflit d’intérêts le 3 avril 2019 pour avoir voté sur deux résolutions qui lui auraient permis de bénéficier d’un usage supplémentaire pour des terrains qu’il possède. M. Lavigne n’avait pas déclaré ses intérêts dans le dossier et ne s’était pas abstenu sur les résolutions. Il avait plaidé non coupable aux gestes reprochés.

La juge administrative a pris en considération plusieurs facteurs atténuants pour imposer une sanction plus clémente que celle suggérée par l’avocate de la DCE. « Tout au long du processus, M. Lavigne n’est jamais intervenu directement ou indirectement pour favoriser ses intérêts. […] Il faut aussi tenir compte de la bonne foi de l’élu, de son excellente collaboration à l’enquête de la DCE, du fait qu’il s’agit d’une première infraction et de l’absence de préméditation de ses gestes. »

Un concours de circonstances

Le cœur du dossier réside dans le processus de reconnaissance de lots agricoles en tant qu’îlots déstructurés résidentiels. Cette désignation accordée par la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) permet ainsi à un terrain agricole d’accueillir une construction résidentielle. Plusieurs paliers décisionnels prennent part à la démarche.

Le 3 avril 2019, Marc Lavigne a voté contre la résolution visant à envoyer à la MRC de la Vallée-du-Richelieu une liste de lots établie en 2018. Le maire a par la suite voté en faveur d’une résolution pour envoyer une liste de lots établie en 2016. La liste rejetée de 2018 excluait deux terrains que M. Lavigne possédait, mais ces derniers étaient inclus dans la liste acceptée. Le maire ne s’attendait pas à voter et s’est retrouvé dans cette situation en raison de l’absence de deux élus.

Durant les audiences, M. Lavigne a indiqué que, dans le feu de l’action le 3 avril 2019, il avait oublié que la liste de 2016 incluait des lots lui appartenant. La juge administrative n’a toutefois pas cru que le maire n’avait pas pensé à ses lots. « Il savait aussi depuis le 27 mars 2019 que ses lots n’étaient pas sur la liste de 31 lots, comme on l’a vu », note la juge administrative dans sa décision.

Après des échanges avec les conseillers, le maire a finalement exercé son véto pour bloquer l’adoption des deux résolutions. À la séance du conseil suivante, le maire Lavigne a déclaré son intérêt, s’est retiré de l’adoption et une nouvelle liste de lots, excluant ceux du maire, a été adoptée. La juge administrative a précisé que l’usage du véto n’a pas cependant eu pour effet d’effacer le conflit d’intérêts.

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