Depuis l’université, j’ai grandi en pensée d’abord en déconstruisant mon rapport à la religion. Encore aujourd’hui, je valse entre agnosticisme (par humilité) et athéisme (plutôt par conviction). J’ai un malaise avec toute forme de manifestation religieuse et j’ai tendance à me méfier autant de la croix que du voile. Bon, non, un peu moins de la croix; je l’ai partout en pleine face et je connais juste assez notre histoire pour comprendre les débats épistémologiques entre « patrimoine » et « religion ». En deux mots, les croix, m’en fous un peu.
J’ai personnellement de la difficulté avec les signes ostentatoires comme la burka, surtout en raison de mes positions plutôt féministes. Mais bon, certaines farouches féministes me diraient que le choix de porter ou non un signe aussi marqué est aussi une forme de féminisme et ça, je peux l’accepter. Je suis moi-même très à l’aise avec certaines de mes contradictions idéologiques. Ne le sommes-nous pas tous?
Anyway, tout ça pour dire que le débat sur la laïcité me place surtout dans la catégorie des « ni l’un ni l’autre ». Pourquoi? D’abord parce que je respecte la différence même si elle me dérange parfois, ce qui me place chez les « diversitaires ». Je crois fermement en l’état de droit et une partie de mon être a un problème avec l’idée de priver des gens d’un emploi pour une question de valeurs. Mais dire ici que c’est la fin de l’état de droit? Non, je ne franchis pas ce pas, même si ma connaissance du droit est trop sommaire pour l’affirmer. Mais ici, aucune loi n’a encore été transgressée, me semble-t-il. Les experts le diront.
En même temps, le droit collectif d’une population à un enseignement laïque ne doit-il pas primer sur celui d’une minorité? C’est au plus jeune âge que l’on se construit une personnalité et j’aime à penser que le prof devant la classe ne doit pas afficher un énorme crucifix au cou ou un voile pour « imposer » ses croyances. On a déjà eu le débat avec les soutanes et l’école! Donc, pour moi, l’école est autant sinon plus cruciale que le gardien de prison. Pas sûr que le débat fait rage en cellule.
Pierre Foglia dans La Presse disait sur le débat de la charte, en 2013 : « Bien sûr, des maîtres et maîtresses sans foulard, mais aussi les enfants. Que les enfants apprennent la laïcité dans le geste d’enlever leur foulard en entrant, tout autant que dans celui de le remettre en sortant. Mais même là-dessus, l’école, je pourrais changer d’avis, si l’on me dit que d’interdire le foulard aux gamines compromettra la paix sociale, comme cela est arrivé en France, par exemple. »
Cette vision « identitaire » rejoint la mienne. Pourtant, difficile de me réjouir si je dois partager cette vision avec les racistes ou les intolérants qui applaudissent à tout rompre en savourant l’écrasement de l’autre. Même si nous sommes sur le même bateau, ça ne veut pas dire que je n’ai pas le goût parfois de te crisser par-dessus bord!
Des jours, je pense que cette loi sur la laïcité est une solution qui se cherche un problème. D’autres jours, je me dis qu’elle balisera quelque chose qui est peut-être fondamental.
Mais peu importe la journée, je me réclame toujours d’un peu de nuance et je réclame le droit à cette position. Parce que le Québec n’a pas si changé depuis cette semaine.
25 juin 2019 - 18:03
Ni l’un ni l’autre
Vincent Guilbault
L’animatrice et chroniqueuse Marie-France Bazzo signait cette semaine un texte dans L’Actualité sur les deux positions polarisées devant le débat sur la laïcité. Les « identitaires » et les « diversitaires » sont les deux positions proposées par Mme Bazzo. J’y ajouterais les « ni l’un ni l’autre ».
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