9 mai 2019 - 17:45
Nos filles
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Les drames forcent un temps d’arrêt et doivent être l’occasion de se questionner sur notre société. Le décès de Daphné Huard-Boudreault à Mont-Saint-Hilaire nous permet de tirer maintes conclusions sur le système de justice, sur nos méthodes d’intervention policière, sur les failles qui ont mené à l’existence d’un monstre comme le meurtrier de Daphné, que je me refuse de nommer ici. Tout ça est vrai et les conclusions du procès laissent assez de matière à méditation.

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Notre équipe s’est questionnée sur la façon d’aborder la question de la plainte. Daphné a refusé de porter plainte contre son ex-copain à trois reprise. On peut la comprendre; Daphné était, selon tous ses proches, une jeune femme toujours prête à penser aux autres avant de penser à elle.
J’ai envie de réfléchir à cette dernière idée. C’est peut-être un peu boiteux comme comparaison, mais ça me fait penser à bien des commentaires que j’entends sur ma fille. Surtout concernant les garçons. Ma fille, à peine 6 ans, est objectivement très jolie; cheveux blonds, yeux bleus, tite face : le contraire de son père donc.
Combien de fois j’ai dû me faire dire : « Eh qu’elle est belle; va falloir que tu la surveilles. » Ou encore, on me demande comment je vais gérer les petits gars à l’adolescence. Ou la très poétique maxime « quand tu as un garçon, tu dois gérer une seule graine; une fille, tu dois gérer toutes les graines ». Combien de pères, protecteurs, parlent de leur fille en disant que les petits gars n’ont qu’à se méfier; combien d’humoristes ont fait la blague?
On ne me passe pas ce genre de commentaire pour mon garçon. En fait, on ne passe pas ce type de commentaire pour les gars, point à la ligne.
J’y réfléchis parfois et j’en viens toujours à la même réflexion : je n’ai pas envie de surveiller ma fille. Je n’ai pas le goût de surveiller tous les garçons en rut du monde qui fantasmeront sur elle. J’ai juste le goût d’apprendre à ma fille à se respecter. À connaître ses limites, à elle-même décider avec qui elle veut être. De savoir dire non. De savoir dire oui aussi, si c’est ce qu’elle veut. Et que si un gars un peu trop toxique s’impose, qu’elle n’hésite pas à appeler la police pour porter plainte. Et je précise, ce n’est pas une attaque contre la prise de décision de Daphné. Je n’aurais probablement pas porté plainte non plus; j’aurais voulu aider l’agresseur qui avait clairement besoin d’aide psychologique. Le seul coupable dans ce drame, et j’insiste, est le salopard meurtrier.
Non, je veux surtout profiter de cette chronique pour réfléchir à notre façon d’élever nos filles. J’ai pris la parole ici souvent sur notre façon d’élever nos garçons qui peut parfois être toxique en acceptant chez eux une certaine violence qu’on dit inhérente à leur testostérone. Mais peut-être pourrions-nous collectivement regarder aussi comment nous élevons nos filles. Et c’est peut-être ça le rôle du père? Je ne sais pas, je ne suis ni psychologue ni pédopsychiatre. Mais je crois fermement que le père peut généralement transmettre à son fils de belles valeurs de respect des autres; ce n’est peut-être pas si poussé de penser qu’il peut montrer à sa fille à se respecter elle-même.
Mes sympathies à la famille de Daphné, « l’ange partie trop tôt ».

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