28 juillet 2025 - 05:00
Petite (grosse) intolérance décomplexée
Par : Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

En octobre dernier, je cherchais les mots justes pour aborder ce que j’appelais le « petit » racisme du quotidien. Ce racisme qui ne se manifeste pas nécessairement par des gestes, mais bien par des mots, des tournures, des remarques anodines en apparence. L’actualité du moment tournait beaucoup autour des questions de demandeurs d’asile et des politiques en immigration de Justin Trudeau (oui, ça semble déjà loin, tout ça).

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Dans un climat social de plus en plus polarisé, les débats sur l’immigration, la francisation ou les enjeux de diversité semblaient avoir permis la tenue d’un certain discours plus xénophobe. Les gens, surtout dans leurs petites bulles créées sur les réseaux sociaux, se permettent de dire des énormités, puis oublient, une fois en public, que ce genre de discours n’a pas sa place. C’est ce que je rapportais dans mon texte « Petite intolérance décomplexée ».

C’était en octobre. C’était avant que l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) s’impose dans l’actualité, au sud de la frontière. Cette agence fédérale des États-Unis, responsable de faire appliquer les lois sur l’immigration, a obtenu plus de pouvoirs sous la gouverne de Donald Trump. Elle a élargi ses cibles à presque tous les immigrants sans statut, même sans casier judiciaire. Sa politique de tolérance zéro a aussi mené à la séparation de milliers de familles à la frontière.

Maintenant, les gants sont jetés et les xénophobes ne se cachent plus. La semaine dernière, j’ai écouté la dernière table ronde présentée par Jubilee Media, une populaire entreprise de production de contenu basée aux États-Unis, connue pour ses vidéos sociales et engagées qui tentent de créer des dialogues entre personnes aux opinions opposées. Ils mettent par exemple en scène des débats entre progressistes et conservateurs, entre activistes LGBT+ et conservateurs moraux, entre pro-vie et pro-choix. Leur dernière vidéo, vue par près de 7,5 millions de personnes sur YouTube, mettait en scène le journaliste progressiste Mehdi Hasan, notamment chroniqueur au The Guardian, qui devait débattre avec 20 conservateurs de la frange la plus à droite du spectre politique (souvent associés au mouvement MAGA – Make America Great Again).

C’était la vidéo la plus malaisante (et horrifiante) que j’aie vue de ma vie. Des gens racistes, xénophobes, suprémacistes blancs pour certains, ouvertement autoritaires. Deux des participants étaient clairement fascistes (dont l’un qui s’en vantait), deux semblaient envahis par une colère permanente et une haine des autres. Ils s’applaudissaient entre eux, se disaient chrétiens ou catholiques, mais n’avaient aucune empathie en dehors de leur petit nombril.

Bien sûr, ces discours restent à la frange, dans la marge. Dans les dizaines de milliers de commentaires sous la vidéo, on condamnait les propos. Et je ne sens pas cette vague de haine dans nos rues au Québec. Mais ce qui frappe, c’est surtout – et je me répète – ces discours haineux qui se décomplexifient, surtout depuis Trump, ce grossier personnage qui n’hésite pas à insulter tous ses opposants. On les entend non pas dans un forum de la droite profonde sur internet, mais dans un show très populaire, à la vue de tous. Les apôtres de la haine ne se cachent plus parmi nous; ils sortent de l’ombre et justifient leur haine en invoquant leur liberté d’expression. Soyons vigilants.

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