Très bref retour. Pour désennuyer ses enfants, un père décide de construire dans sa cour une rampe pour ses deux enfants planchistes. Des voisins se plaignent du bruit et de la construction de ladite rampe et la Ville de Belœil doit donc intervenir.
Entre temps, le père, déçu de la tournure des événements, tourne une vidéo de ses enfants avec, avouons-le, un certain flair pour le dramatique. En gros, les enfants sont attristés de la perte de cette rampe et se disent surtout assommés par le confinement. On peut les comprendre.
La Ville de Belœil laisse savoir qu’elle évaluera la possibilité de laisser le père garder son installation, en plein quartier résidentiel. Sans surprise, la Ville finit par dire qu’elle ne peut pas. Entre vous et moi, je ne pense pas sérieusement que la Ville a eu une réelle volonté d’aller de l’avant avec la tolérance, mais donnons-lui le bénéfice du doute.
Les médias s’emparent de l’histoire, naturellement, et les médias sociaux aussi. Et qu’arrive-t-il sur les médias sociaux? La même chose qui arrive lors d’un « effet de foule » ; le QI général prend une méchante débarque, digne d’un planchiste trop casse-cou. C’est la fin des débats, c’est l’ouverture des insultes en quelques caractères. Beaucoup, mais beaucoup trop d’internautes s’en sont pris aux voisins qui ont « gâché » le rêve de ces jeunes. « Laissons les jeunes jouer, vous préférez les voir sur leurs consoles? Vous détestez le son des enfants qui jouent. On devrait aller faire du skate devant les voisins qui ont chialé pendant toute la journée. » Oui, j’ai bien lu ça.
Eh bien , vous faites fausse route.
Parlons raisonnablement de la situation. Oui, la vidéo des enfants qui sont privés de leur sport est bouleversante. Oui, entendre des enfants jouer dehors ne devrait pas nous déranger. Oui, j’aime mieux les enfants dehors que scotchés à l’écran devant leur console de jeu.
Pourtant, la seule décision à prendre était le démantèlement de l’installation. Pour deux raisons. L’ordre, d’abord. La quiétude, ensuite. Commençons par l’ordre. Les municipalités se dotent de règlements de zonage et d’urbanisme pour gérer ce genre de débat. Pour créer de l’harmonie dans les quartiers, on permet certaines installa- tions et on en interdit d’autres. Les règlements déterminent le lieu où un commerce peut s’implanter, quels usages sont permis dans un quartier. Même sur votre propre terrain, vous ne pouvez pas décider d’installer une piscine à n’importe quel endroit. En gros; il y a des règles soigneusement étudiées par des urbanistes, des comités d’urbanisme, des experts, etc. C’est pour cette raison que les skateparks sont situés stratégiquement dans des endroits éloignés des quartiers résidentiels. Pour ne pas déranger la quiétude.
Sans règlements, pourquoi s’arrêter à une rampe? Qui pourra m’empêcher de construire une piste de danse ou un gym extérieur? Un père ne peut tout simplement pas un matin se lever et bâtir une rampe pour ses enfants. Ça lui prend un permis, et il ne l’obtiendra pas, point final.
Finalement, un mot sur la quiétude. Soyons honnêtes envers nous- mêmes. Nous condamnons les voisins de s’être plaints du bruit. Mais auriez-vous vraiment toléré cette rampe? Vraiment? Plusieurs planchistes vous le diront : une rampe de skate, c’est le vacarme assuré. Ce n’est pas le gentil son de jeunes qui s’amusent; c’est le bruit très agressant, percutant et continuel d’une planche de bois martelé continuellement sur une structure.
Les voisins qui se sont plaints sont coupables d’une seule chose : d’une volonté de quiétude. Ils ne méritent pas ces attaques.
11 juin 2020 - 14:33
Planche et quiétude
Vincent Guilbault
Interdire au père d’avoir une rampe pour le skate dans sa cour était la seule et unique bonne décision. Pas la meilleure; la seule.
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