Lorsque ma collègue est revenue de son entrevue avec ses masques en cadeaux et l’histoire de Denise Loof, je savais que nous tenions la page une. Parfois, choisir la photo de la page frontispice est complexe. En équipe ou parfois seul, on pèse le pour et le contre. On se demande ce qui va intéresser le plus les lecteurs, attirer leur regard. Parfois, c’est simplement la meilleure histoire.
Parfois, c’est juste une dame qui fait des masques par pure gentillesse.
J’écoutais les horreurs que Trump aurait scandées sur les militaires américains, des propos rapportés par le rédacteur en chef de la très sérieuse revue The Atlantic, et j’étais abasourdi par tant de violence et de dégueulasserie. Comment un homme peut-il être si peu sensible aux autres?
Puis, j’ai regardé la photo de Mme Loof avec ses dizaines de couvre-visages. Chaque couvre-visage a été fait à la main, sur trois machines différentes avec, on devine, une patience monstre. Et un amour de la couture, il va sans dire.
Mais surtout, chaque bout de tissu est un geste de générosité. On aurait applaudi qu’elle donne 100 masques. Elle en a remis plus de 640 et nos chiffres ne sont probablement plus à jour. Je vois mal comment je pourrais égaler cette générosité. Le peu d’effort que je peux faire, c’est d’humblement souligner son geste ici dans nos pages.
Je me permets un détour. Une partie de moi craint l’effritement de l’esprit de communauté. De ces élans de générosité. Sans me faire conservateur ou passéiste, il faut admettre qu’il fut une époque où certains groupes jouaient ce rôle de « scellant social ». Des groupes communautaires ou encore religieux qui rassemblaient des gens généreux qui avaient à cœur leur prochain. Pas que c’était mieux avant, loin de là; chaque époque a ses défis. Oui, des individus de notre génération et de celles qui me suivent sont extrêmement généreux. Je vois beaucoup de jeunes qui tentent de rendre notre monde meilleur. Mais l’esprit communautaire s’effrite en même temps que disparaissent des groupes comme les Chevaliers de Colomb, les Clubs optimistes ou les Cercles de fermières. C’est une impression.
Mais bon, trêve de nostalgie. Ce choix de page une mettant en vedette une de nos résidentes sert à nous rappeler aussi que les médias ne rapportent pas seulement les mauvaises nouvelles, comme se plaisent à dire nos détracteurs. Il est bon de se rappeler aussi que, même si le monde fout un peu le camp pendant que certains grands de ce monde nous gavent de mensonges, on peut compter sur la générosité de personnes comme Mme Loof. Un bout de tissu à la fois.
9 septembre 2020 - 15:34
Plus qu’un bout de tissu
Vincent Guilbault
Ça va avec le métier d’être plutôt cynique. Un peu désabusé tout en gardant un peu de positivisme en réserve dans sa poche pour passer au travers de ses journées. Et beaucoup d’humour noir. Beaucoup. C’est ce que ça prend dans le métier.
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