17 mai 2023 - 07:00
Quelle leçon?
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Ça aurait dû être une histoire banale. Un homme qui en repousse un autre pour le sortir de son terrain pour éviter la présence d’un chien près d’un enfant. Mais en bousculant Lionel Martineau, Abraham Leblanc, un costaud père de Belœil, aura commis l’irréparable. La chute au sol aura finalement raison de la vie de l’homme de 92 ans.

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Je déteste cette histoire. J’ai un malaise profond chaque fois que nous en parlons. À cause de l’intention, qui n’a jamais été clairement celle de tuer ou de blesser un homme. Et parce qu’il n’y a que des perdants. Même si on reconnaît M. Leblanc coupable d’un homicide et qu’on l’envoie en cellule, j’ai vraiment peine à croire que justice aura été rendue…

Nous avons des abuseurs qui maltraitent leurs victimes des années qui feront possiblement moins de prison que Leblanc. Mais notre justice s’arrête beaucoup à la finalité et, dans notre histoire, il y a malheureusement mort d’homme. Et, bien sûr, la justice n’a d’autre choix que d’évaluer la situation et de poser son jugement.

Ça reste quand même sur le fond une histoire de cour d’école. Si Lionel n’était pas décédé, on aurait juste donné une tape en arrière de la tête de Leblanc pour le gronder. Pour lui dire que l’on comprend que le chien sur le terrain, ça te dérangeait, mais on ne pousse pas le monde, surtout les aînés. Oui, je sais, tu l’as juste tassé, mais quand même. Un peu de respect.

Fin de l’histoire. Mais non.

M. Martineau tombe et se blesse. Alors on arrête M. Leblanc pour voie de fait causant des lésions.

Mais M. Martineau est décédé deux jours plus tard; la voie de fait devient maintenant homicide involontaire.

Et on comprend le bouleversement de la famille. Une vie de 92 ans qui se termine par une mésentente sur un chien, c’est d’une tristesse infinie. Personne ne s’imagine faire sa grande sortie comme ça.

Maintenant, un juge doit décider de l’avenir de l’agresseur. Même s’il est sans antécédents judiciaires, rappelons-le, l’homme projette une l’image confrontante sur sa photo (regard grave, grosse carrure, tatouage), Je ne sais d’ailleurs pas si c’est pour cette raison qu’il a préféré être jugé par un juge et non un jury. Assez confrontante pour que notre nuancé Gilles Proulx national, sur les ondes de QUB Radio, le ridiculise, le traitant de « gros Abraham qui a l’air d’un videur de club de nuit », soulignant qu’un homme comme M. Martineau « n’ aurait pu être un envahisseur agressif ». Et surtout que le chien, c’est un labrador,rappelle le chroniqueur, « un chien recommandé par tous les experts du monde comme le plus doux ».

Je me sens un peu (beaucoup) de mauvaise foi. Je suis le premier à me méfier des chiens, surtout ceux que je ne connais pas. Je ne pousse pas les gens pour autant, mais ça me chicote.

Et ce qui rend l’histoire encore plus triste, c’est le fait qu’elle soit arrivée en 2019. Oui, Leblanc connaîtra son sort seulement quatre ans après son geste. Et le plus ridicule, c’est que peu importe le jugement, le juge suppose que la cause ira en appel. Sans parler de la poursuite au civil pendante déposée par la famille de Martineau contre Leblanc.

Ça commence à faire une grosse histoire pour une affaire de bousculade. Et pour nous, le public, j’ai l’impression qu’il n’y a aucune leçon à tirer de cette histoire qui ne fera que des perdants. Sauf peut-être retenir qu’il ne faut pas pousser les aînés. Mais bon, je suppose qu’on le savait déjà…

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