26 juillet 2023 - 07:00
75 ans du Refus global
Refus d’oublier
Par: Olivier Dénommée
L'exposition « Marcel Barbeau, Global mixte » représente bien l'étendue du registre du peintre et sculpteur Marcel Barbeau. Photo François Larivière | L'Œil Régional ©

L'exposition « Marcel Barbeau, Global mixte » représente bien l'étendue du registre du peintre et sculpteur Marcel Barbeau. Photo François Larivière | L'Œil Régional ©

L'exemplaire no 130 du Refus global, avec son bandeau, est exposé au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire. Photo François Larivière | L'Œil Régional ©

L'exemplaire no 130 du Refus global, avec son bandeau, est exposé au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire. Photo François Larivière | L'Œil Régional ©

Le court-métrage « La passion de Paul-Émile Borduas » met en vedette Eve Gadouas et Patrick Caux, jouant respectivement Gabrielle et Paul-Émile Borduas, et sera présenté à la Maison à compter du 4 août. Photothèque | L'Œil Régional ©

Le court-métrage « La passion de Paul-Émile Borduas » met en vedette Eve Gadouas et Patrick Caux, jouant respectivement Gabrielle et Paul-Émile Borduas, et sera présenté à la Maison à compter du 4 août. Photothèque | L'Œil Régional ©

Le célèbre manifeste Refus global, écrit à Mont-Saint-Hilaire par Paul-Émile Borduas et les Automatistes, a été publié le 9 août 1948, créant une onde de choc dans la société québécoise. Soixante-quinze ans plus tard, le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire (MBAMSH) multiplie les occasions de souligner cet anniversaire spécial en mettant de l’avant les créations de plusieurs de ses signataires.

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Si le manifeste a initialement été très mal accueilli par les autorités et la presse, coûtant à Paul-Émile Borduas son emploi à l’École du meuble et amenant sa propre famille à être ostracisée par la société, il a par la suite été vu comme un précurseur de la Révolution tranquille. Des 400 copies originales du Refus global, le MBAMSH conserve précieusement l’exemplaire 130, un des rares à toujours avoir son bandeau « MANIFESTE ». En lien avec les célébrations des 75 ans de sa parution, le Musée invite les gens à voir le fameux recueil.

L’éclectisme de Marcel Barbeau

La salle temporaire du MBAMSH est consacrée pour les prochains mois à un des plus prolifiques signataires du Refus global avec l’exposition Marcel Barbeau, Global mixte, synthétisant plus de 60 ans (de 1953 à 2014) de création du peintre et sculpteur Marcel Barbeau (1925-2016). Pour l’occasion, le Musée présente une bonne partie de sa propre collection des œuvres de Barbeau et collabore avec la veuve de l’artiste, Ninon Gauthier, et Yves Laroche Galerie d’art pour présenter les autres.

Il est ainsi possible de voir l’étendue de son registre et l’évolution de sa démarche au fil des années. « La particularité de Marcel Barbeau, c’est son éclectisme : il a exploré plusieurs courants et styles et l’exposition en rend bien compte. Il y a eu de l’abstraction géométrique, de l’action painting, de l’art optique, du tableau objet, de la performance… », énumère Étienne Ardaens, adjoint à la conservation et aux communications au Musée. Pour lui, les visiteurs peuvent reconnaître la signature de Barbeau à travers ses couleurs, souvent « vives et pures ». « C’est un artiste chercheur, un érudit qui avait des connaissances sur plein de sujets. Avec cette exposition, on présente une production qui touche à l’automatisme et au-delà, et qui donne un bon aperçu de tout le potentiel de l’exploration de Barbeau. »

« On ne peut malheureusement pas exposer tout ce qu’il a exploré, mais on a une présentation PowerPoint montrant ses différentes techniques. C’est ça, Marcel Barbeau : il travaillait sur une série avec une technique jusqu’à plus soif. Il ne se tenait pas pour acquis et ne s’assoyait jamais sur son talent. La pertinence de l’exposition est de montrer sa belle évolution plastique au fil du temps », ajoute la directrice générale du MBAMSH, Geneviève Létourneau.

En plus des nombreuses peintures qui démontrent l’étendue du registre de Marcel Barbeau, l’exposition contient deux maquettes de sculpture, un côté de l’artiste relativement méconnu du grand public. « Il est très reconnu pour ses peintures, mais beaucoup moins pour ses sculptures, d’autant plus que la plupart de celles qu’il a faites n’ont pas survécu à l’épreuve du temps », note Mme Létourneau.

Place aux autres Automatistes

Si le cœur de l’exposition est dédié à Marcel Barbeau, une portion est consacrée au « salon des Automatistes », avec des œuvres d’autres signataires du Refus global. On y trouve ainsi des extraits de Marcelle Ferron, Françoise Sullivan, Fernand Leduc, Pierre Gauvreau, de même qu’une reproduction d’un texte de Claude Gauvreau. À l’entrée de la salle, une photographie de Marcel Barbeau par Maurice Perron, aussi membre du groupe, est bien mise en valeur. C’est sans compter l’exposition permanente qui présente un nouveau corpus des œuvres de la « Collection Jean Paul-Riopelle » consacrée exclusivement aux 15 tirages hors commerce de son Album 67. Rappelons qu’en plus des 75 ans du Refus global, le MBAMSH célèbre aussi le centenaire de naissance de Riopelle.

Parlant de célébration, un événement spécial est organisé le dimanche 6 août à 15 h au Musée afin de souligner en grand l’exposition et l’anniversaire du manifeste. Ninon Gauthier et des membres de la famille Barbeau devraient y être. L’événement est précédé d’un moment de recueillement où les familles des signataires du Refus global sont conviées là où il a été rédigé il y a 75 ans. L’exposition, présentée depuis le 17 juin, a jusqu’à présent recueilli d’excellents commentaires des visiteurs. « On a eu beaucoup de visiteurs, pour la plupart des gens qui étaient déjà connaisseurs de l’œuvre de Barbeau, remarque Étienne Ardaens. Les gens ont été particulièrement heureux de voir des sculptures, moins connues que les peintures, mais qui gardent un lien avec ses œuvres picturales. Plusieurs ne connaissaient pas non plus sa période où il a exploré le tachisme. »

L’exposition Marcel Barbeau, Global mixte est présentée au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire jusqu’au 8 octobre prochain.

La passion de Borduas

Les célébrations du Refus global s’étendent aussi à la Maison Paul-Émile-Borduas, endroit même où le manuscrit a été écrit. Le court-métrage La passion de Paul-Émile Borduas, réalisé par Michael Cutler et mettant en vedette l’acteur hilairemontais Patrick Caux dans le rôle-titre, a d’ailleurs été enregistré en grande partie dans cette maison. Le film d’une vingtaine de minutes y sera aussi présenté à compter du 4 août.

« Ce court-métrage, qui a des visées pour devenir un long-métrage éventuellement, a très bien exprimé cette période post-manifeste. C’était de plus en plus dur pour la famille de Paul-Émile Borduas, qui a été ostracisée à cause du Refus global. Ça a mené à de la chicane et à l’éclatement de la famille. Le film se termine quand Borduas quitte pour New York. […] Je crois que le film représente bien l’ampleur des dégâts du Refus global sur la vie de Borduas », soutient Geneviève Létourneau.

Lectures du manifeste

Pour souligner l’anniversaire du Refus global, des lectures par des comédiens sont prévues cet automne, le 23 septembre. C’est d’ailleurs Patrick Caux qui organise l’événement prévu en deux temps : une première lecture au MBAMSH à 13 h 30 et une deuxième à la Maison Paul-Émile-Borduas à 16 h. « Il sera accompagné d’autres acteurs de Mont-Saint-Hilaire, de la région ou qui ont été touchés par le Refus global. Chaque lecture sera un peu différente dans la mesure où les comédiens ne seront pas nécessairement les mêmes et qu’ils utiliseront l’espace dans lequel ils se trouveront », commente Mme Létourneau. La lecture au Musée sera proposée au coût de 20 $, mais celle à la Maison inclura un cocktail, moyennant un coût de 40 $. « Si ça fonctionne bien, c’est peut-être quelque chose qu’on pourrait faire de façon annuelle », lance-t-elle.

Deux expositions à la Maison

Autre clin d’œil aux Automatistes qui ont signé le Refus global, la Maison Paul-Émile-Borduas reçoit cet été deux expositions qui s’en rapprochent indirectement. La première est déjà en cours et ne sera encore présentée que pour quelques jours : Hoguera de Madeleine Lemire propose des œuvres à la limite du figuratif et du non-figuratif, avec une approche qui peut s’apparenter à celles des Automatistes. Son exposition prendra toutefois fin après le 30 juillet.

Par la suite, la Maison Paul-Émile- Borduas accueillera Trajectoires intemporelles de Louise Mauger, du 3 août au 29 octobre. « Elle va vraiment dans l’abstraction avec une démarche spontanée, similaire aux Automatistes. Quand on a vu ses œuvres la première fois, elles m’ont tout de suite rappelé certaines œuvres automatistes et, après avoir fait l’exercice, on a réussi à trouver plusieurs similitudes », mentionne la directrice du Musée. Les liens peuvent être, par exemple, une même palette de couleurs, une touche similaire ou un même mouvement, et ce, sans que cela ait été conscient de la part de Louise Mauger. L’exposition est bonifiée avec de la réalité augmentée créée par Jean-François Lachance, qui permettra de voir le lien entre l’œuvre de l’artiste et une d’un des Automatistes. En complément à l’exposition de Louise Mauger, Jean-François Lachance aura aussi sa propre petite installation en réalité augmentée. Le vernissage de Trajectoires intemporelles est prévu le dimanche 13 août, à 14 h

Paul-Émile Borduas et sa maison bientôt reconnus au fédéral?

Le MBAMSH ne se contente pas d’organiser une série d’événements pour garder vivante la mémoire du Refus global et de son principal auteur, Paul-Émile Borduas, il milite aussi activement pour que Borduas soit reconnu au niveau fédéral. Geneviève Létourneau a confirmé à L’ŒIL que deux demandes avaient été déposées, à la fois pour le personnage historique de Paul-Émile Borduas et pour la Maison Paul-Émile- Borduas. Ce processus peut toutefois prendre deux ans avant d’obtenir une réponse définitive.

« On a envoyé nos demandes en décembre 2022. On a déposé des demandes assez étoffées pour montrer notre sérieux et on a reçu des lettres d’appui d’un peu partout pour appuyer ces candidatures. On ne tient rien pour acquis, mais c’est un personnage solide de notre histoire, qui est aussi connu et admiré ailleurs au pays. On a bon espoir qu’il aura à terme la reconnaissance canadienne », soutient Mme Létourneau.

Notons que la Maison Paul-Émile- Borduas est déjà reconnue aux niveaux municipal et provincial.

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