Les lecteurs assidus se souviendront qu’Élisabeth Pion avait aussi joué un récital à l’église Sacré-Cœur-de-Jésus de McMasterville en janvier 2023, événement qu’elle tenait à répéter pour garder un lien avec la région qui l’a vue grandir et continuer de montrer son évolution comme musicienne. « J’ai eu beaucoup de plaisir l’an dernier et j’avais envie de répéter l’expérience. […] C’est important pour moi de jouer devant des gens qui sont vraiment intéressés par ce que je fais et de redonner à ces gens, surtout que c’est chez nous! Je veux bien sûr continuer de saisir les opportunités et de jouer partout à l’international, mais j’ai toujours un fort sentiment d’appartenance avec la région et je ne me lasserai jamais de jouer ici; ça me ground », affirme-t-elle.
Si l’année dernière, son programme était annoncé d’avance, tel que le veut la tradition dans le registre classique, Élisabeth Pion a envie de surprendre son auditoire cette fois. « Des fois, le programme d’un concert est annoncé deux ans d’avance et ça me déprime! [Le pianiste et chef d’orchestre] András Schiff fait partie de ceux qui ont commencé à annoncer leur programme une fois sur scène et j’aime l’idée parce que c’est une marque de confiance du public d’aller voir un artiste classique sans savoir ce qu’il va jouer. J’espère aussi voir une telle ouverture d’esprit de mon public. » Si elle souhaite garder la surprise, la pianiste promet tout de même de la belle musique dans une programmation très variée, avec environ 75 minutes de matériel. « Je veux aussi inclure une session de questions-réponses à la fin du récital. C’est quelque chose que je fais de plus en plus et les gens posent de bonnes questions. »
Son récital à McMasterville a lieu le mercredi 24 janvier, à 19 h 30, à l’église Sacré-Cœur. Les billets, au coût de 40 $, seront en vente à la porte ou sur réservation auprès de Francine Lacroix (flacroixpiano@gmail.com ou 514 816-6577).
Débuts avec l’OM
Tout juste avant son récital dans la région, Élisabeth Pion sera à Montréal pour participer à une série de trois concerts avec l’Orchestre Métropolitain, présentés les 19, 20 et 21 janvier dans trois salles différentes, dont la prestigieuse Maison symphonique de la Place des Arts le 21 janvier. Elle y interprétera le Concerto pour piano de Lūcija Garūta (1902-1977), une œuvre encore méconnue, qui sera d’ailleurs jouée pour la toute première fois en Amérique du Nord. « Avoir la chance de jouer avec l’OM, c’est malade! J’ai proposé cette œuvre et le chef d’orchestre [Kensho Watanabe] l’a aussi beaucoup aimée », commente la pianiste, qui a poussé plus loin ses recherches afin d’offrir l’interprétation la plus juste possible.
« J’ai été en contact avec la Fondation Garūta en Lettonie et on m’a permis d’aller dans l’appartement à Riga où elle a longtemps vécu, de jouer sur son piano, de regarder ses partitions manuscrites et ses livres. C’est un travail de recherche qui m’allume beaucoup et ça influence mon interprétation parce que j’ai l’impression d’avoir appris à la connaître et j’ai vu les influences qu’elle a eues dans sa vie. J’ai aussi eu accès à certains de ses enregistrements, ce qui m’a permis d’entendre son style, son esthétique », poursuit-elle. Elle espère d’ailleurs avoir l’occasion d’adresser quelques mots au public à l’occasion des trois prestations, à la fois pour établir un lien avec les gens dans la salle et pour mieux expliquer l’œuvre qu’elle s’apprête à leur faire découvrir. « Ça va être un moment assez touchant », prédit-elle.
Si la collaboration est fructueuse avec l’OM, Élisabeth souhaite avoir d’autres occasions de jouer avec lui. « J’aime beaucoup sa direction actuelle de promouvoir des compositeurs pas nécessairement mis de l’avant pour des raisons historiques, ça correspond assez bien à ma ligne de pensée : c’est important de continuer de jouer les grands classiques, mais aussi de laisser une place aux compositeurs qui n’ont que peu été joués. » Les performances avec l’Orchestre Métropolitain ont un côté encore plus émotif pour l’Otterburnoise, alors que son amie Agnès Langlois, violoncelliste classique originaire de McMasterville avec qui elle a souvent collaboré, a obtenu un poste au sein de l’OM. « C’est fou tout le chemin qu’on a parcouru pour se retrouver là! »
Puis, à la fin de l’hiver, elle sera de retour au Québec pour interpréter le Concerto pour piano en sol de Maurice Ravel avec l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, sous la direction d’Alain Trudel.
Concours et deuxième album en vue
Élisabeth Pion a participé à de nombreux concours dans la dernière année et ça ne devrait pas être différent en 2024, anticipe-t-elle. Elle va aussi lancer en juin son deuxième album, enregistré cet automne avec Arion Orchestre Baroque sur des instruments d’époque. « On avait présenté trois concerts à la Salle Bourgie [du Musée des beaux-arts de Montréal] où j’ai notamment joué le premier Concerto pour piano d’Hélène de Montgeroult, une grande compositrice française contemporaine de Mozart. »
Ce deuxième album est donc bien différent de son premier, Femmes de légende, où elle se présentait comme artiste solo. « Là, ce sera une autre facette de moi qu’on va pouvoir entendre. Et aucun enregistrement n’existe de ce concerto, ce sera une première! »
La musicienne a aussi la chance inouïe de faire partie des neuf personnes retenues pour bénéficier en 2024 d’un mentorat avec la pianiste vénézuélienne Gabriela Montero, reconnue pour son immense talent d’improvisatrice. « Elle milite aussi beaucoup pour les droits de la personne, un parcours auquel je m’associe. Je suis consciente que, si j’arrive à avoir la carrière que j’ai, c’est parce que j’ai des droits et des libertés, alors qu’on coupe peut-être les ailes à d’autres personnes qui ont le même talent. »
Tracer sa propre voie
Par le passé, Élisabeth Pion a fait connaître ses positions féministes et son intention de mettre le plus possible de l’avant le travail de femmes talentueuses négligées par l’Histoire, mais elle continue de se démarquer en faisant des choix professionnels parfois à contre-courant de la norme. « Je préfère prendre le temps de faire de la recherche plutôt que d’enchaîner les concerts soir après soir, dans différentes villes et avec des musiciens différents chaque fois. J’essaie de créer ma propre façon de faire, mais comme artiste individuelle qui mise sur ma liberté, aucun agent ne veut me prendre! C’est sûr que je fais un peu moins de concerts à cause de ça, mais ça me laisse plus de temps pour faire ce que je veux vraiment. Je n’ai encore que 27 ans, je n’ai pas fini de me développer. »
C’est aussi dans cet esprit de liberté qu’elle a quitté le De Beauvoir Trio, avec qui elle a remporté plusieurs concours ces dernières années, afin de se concentrer sur sa carrière en solo et sur des collaborations sporadiques.