24 janvier 2024 - 07:00
Ententes entre Mont-Saint-Hilaire et ses musées
Sortie du fondateur André Michel contre les propositions de la Ville
Par: Olivier Dénommée
L’artiste André Michel, fondateur du Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire et de La Maison autochtone, est sorti sur la place publique, en son nom personnel, pour dénoncer les premières ébauches d’ententes proposées aux deux musées par la Ville de Mont-Saint-Hilaire. Photo François Larivière | L’Œil Régional ©

L’artiste André Michel, fondateur du Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire et de La Maison autochtone, est sorti sur la place publique, en son nom personnel, pour dénoncer les premières ébauches d’ententes proposées aux deux musées par la Ville de Mont-Saint-Hilaire. Photo François Larivière | L’Œil Régional ©

La semaine dernière, L’ŒIL publiait dans ses pages une lettre ouverte d’André Michel concernant la culture à Mont-Saint-Hilaire. Le fondateur du Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire (MBAMSH) et de La Maison autochtone va encore plus loin en dénonçant les premières ébauches proposées par la Ville aux deux institutions muséales pour les années 2024 à 2026, qu’il juge à bien des égards insultantes.
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En entrevue, André Michel ne fait pas de secret que c’est la réception de la nouvelle entente avec le MBAMSH qui l’a poussé à claquer la porte de la présidence du conseil d’administration à la mi-décembre afin de pouvoir s’exprimer sans filtre sur la question. Il précise d’ailleurs faire cette sortie en son nom personnel, en tant que « citoyen engagé ».

Pour M. Michel, les premières ébauches des ententes contiennent des clauses inacceptables, dont une concernant les collections d’œuvres. Il est mentionné qu’« en cas d’une dissolution [des musées], la collection reviendrait automatiquement à la Ville », qui pourra ensuite décider de son sort. Or, selon l’artiste, cette mesure serait tout simplement illégale puisqu’il est déjà prévu que les biens soient « dévolus à une organisation exerçant une activité analogue », soit un autre musée doté d’une mission similaire.

André Michel critique aussi une clause parlant d’une possible hausse de 2 % seulement pour l’aide financière versée aux deux institutions… à condition de répondre à des objectifs de la Ville. « L’aide financière octroyée sera majorée de 2 % ou diminuée de 2 %, et ce, en fonction de la réalisation ou de la non-réalisation des objectifs fixés par la Ville et basée sur le montant de l’aide financière octroyée l’année précédente », peut-on lire dans la première ébauche de l’entente envoyée à La Maison autochtone. Cela inquiète le fondateur, pour qui une hausse de 2 % serait insuffisante pour couvrir l’inflation. Il questionne aussi la capacité de la Ville à évaluer l’atteinte d’objectifs arbitraires.

Il dénonce aussi le fait que la Ville a adopté une résolution le 7 août 2023 qui prolongeait d’une année les baux des deux institutions, dont l’entente était échue au 31 décembre 2022, tout en se gardant de verser les derniers 20 % des sommes prévues en 2023 conditionnellement à la signature d’une nouvelle entente, qu’il compare à un couteau sur la gorge pour les musées, particulièrement le MBAMSH. À ce jour, ces montants n’ont donc toujours pas été versés.

Deux poids, deux mesures

André Michel va jusqu’à dire que la proposition d’entente avec La Maison autochtone est encore pire que celle offerte au MBAMSH. Il note un bail emphytéotique de 50 ans, offert uniquement à La Maison autochtone, qu’il voit comme une façon pour la Ville de se débarrasser de toute responsabilité envers ce musée « rouge » en reléguant les responsabilités du bâtiment au musée, et relate qu’un règlement adopté en 2017 empêche spécifiquement un agrandissement de ce musée, alors que la Ville se montre ouverte à un éventuel agrandissement du côté du Musée des beaux-arts. « Est-ce normal que la Ville refuse de modifier ce règlement adopté empêchant de finir l’arrondi arrière du musée pour en faire une maison longue moderne? On ne couperait aucun arbre et on ne demanderait même pas d’argent de la Ville pour le faire », s’insurge le fondateur. Il va jusqu’à considérer qu’il y a peut-être encore une certaine part de racisme dans le traitement différé entre les deux musées, « un pour les Blancs, l’autre pour les Autochtones ». « S’ils ne veulent plus d’un musée autochtone sur leur territoire, ils n’ont qu’à le dire ouvertement! »

À travers sa sortie, André Michel espère toutefois fouetter les négociations entre les différentes parties pour en arriver à une bonification et à un « élagage » des éléments qu’il considère comme moins bons dans les premières versions. « Je veux voir que la Ville a bonifié les ententes et que les prochaines versions soient élaguées et constructives pour les musées. »

Le maire réplique

Invité à commenter cette sortie publique d’André Michel, le maire de Mont-Saint-Hilaire, Marc-André Guertin, a tenu à rappeler la position de Mont-Saint-Hilaire quant à la culture et à ses institutions. « Notre position est de faire rayonner la culture à Mont-Saint-Hilaire. Le passé, on veut l’honorer tout en allant vers le futur. » Il s’est toutefois montré agacé par cette sortie d’André Michel, qui n’a plus aucun rôle au sein des deux institutions muséales, à part le titre de fondateur. « André Michel est très habile pour lui-même jeter de l’ombre sur tout ce qu’il a fait de remarquable », ironise-t-il, déplorant qu’il « joue à la belle-mère » en intervenant ainsi.

Tout en rappelant que L’ŒIL n’aurait pas dû avoir accès aux ébauches d’ententes puisqu’elles ne sont pas finales, M. Guertin a relativisé les critiques formulées par M. Michel. « Les pourparlers vont bon train avec le Musée des beaux-arts et une entente devrait être signée en février. […] Le but n’est pas de nuire, mais bien de faire un développement stratégique de nos institutions muséales. » Si la Ville a effectivement adopté une résolution pour retenir le dernier versement des fonds en 2023, c’était, selon lui, « pour que les choses aboutissent rapidement et commencer 2024 sur des bases solides ».

« Mont-Saint-Hilaire a investi 1,3 M$ en 2023 pour le Musée des beaux-arts, et 3,7 M$ sur 10 ans. Combien de villes de notre taille peuvent dire qu’elles ont mis autant d’argent sur un musée? », demande le maire. Quant à la question d’une hausse de 2 %, il le voit d’une façon différente : 98 % des aides financières demeurent statutaires et seulement 2 % seraient liées à des objectifs émis par la Ville. À long terme, il souhaite voir le MBAMSH être agréé, alors que La Maison autochtone l’est déjà. « On veut voir davantage d’autonomie du côté de nos musées, qu’ils trouvent plus de financement externe, chose que La Maison des peuples autochtones fait déjà de façon admirable », ajoute-t-il.

Quant à la question des collections, il s’agit simplement d’un problème de formulation qui sera corrigé dans une version ultérieure des ententes. « On voulait simplement clarifier certaines situations », soutient Marc-André Guertin.

Il voit la proposition d’un bail emphytéotique à La Maison autochtone d’un tout autre œil qu’André Michel, considérant que ce serait une façon d’être plus autonome et d’arriver éventuellement à un projet d’agrandissement. Mais il reconnaît que les négociations avec ce musée sont plus « tendues » et que les propositions de la Ville « n’ont pas reçu beaucoup d’enthousiasme » pour le moment. « Soyez donc constructifs et faites-nous des propositions », invite-t-il aux dirigeants du musée.

M. Guertin s’est montré très critique face à la légitimité d’André Michel de faire sa sortie dans le journal, estimant qu’il était pour le moins « particulier » qu’il se substitue aux CA du MBAMSH et de La Maison autochtone pour dénoncer des ententes toujours en négociation derrière des portes closes. « Je serais curieux d’entendre l’avis de Francine Jacques [la nouvelle présidente du MBAMSH] à ce sujet », a-t-il lancé. Au moment de mettre sous presse, il n’avait pas été possible de lui parler. Le maire estime aussi que cette sortie pourrait « porter préjudice à Chantal Millette », la directrice générale de La Maison autochtone, faisant allusion au fait qu’elle est aussi la conjointe de M. Michel. Enfin, il craint que cette intervention puisse davantage nuire qu’aider la cause des institutions muséales.

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