Il emploie le terme nain, car il estime avoir justement eu l’occasion de côtoyer plusieurs géants de la politique québécoise. « J’ai eu la chance de rencontrer René Lévesque et Jacques Parizeau. J’ai également eu la chance de servir sous de grands chefs, comme Lucien Bouchard, Gilles Duceppe et Pauline Marois », énumère M. Bergeron.
Sous ses différents géants de la politique, Stéphane Bergeron s’est présenté à 10 élections générales, soit cinq au fédéral et autant au provincial, ainsi qu’à une partielle dans la circonscription québécoise de Verchères en 2005.
Bien que toutes ses campagnes électorales aient été importantes à ses yeux, sa première en 1993 revêt un cachet bien particulier. « C’est là que tout a commencé et que j’ai lancé ma carrière. À l’époque, j’avais 28 ans et ce n’était pas à la mode d’avoir des jeunes en politique. J’ai dû convaincre les électeurs de ma circonscription et de mon parti. Je n’étais pas le candidat pressenti dans Verchères, mais j’ai réussi à remporter l’investiture. »
Sur les onze occasions où il a sollicité le vote des électeurs, la majorité a choisi quelqu’un d’autre à une seule occasion, en octobre 2018. Ce n’est toutefois pas le pire moment de sa carrière, bien au contraire. « Une semaine après cette élection, on me demandait si j’étais amer. Je ne pouvais pas être amer, j’avais eu le privilège de servir les citoyens pendant plus de 20 ans. La démocratie avait parlé. »
Stéphane Bergeron a néanmoins subi trois peines d’amour en politique. « La première est le référendum de 1995. Le camp adverse l’a gagné par la peau des dents. La seconde est à l’élection fédérale de 2011 où le Bloc québécois a été emporté par la vague orange. Même si j’étais rendu au provincial, ça m’a fait de la peine de voir bien d’anciens collègues perdre leur poste, donc Luc Malo, qui m’avait remplacé pour le Bloc quand j’ai été élu au provincial. La troisième est au printemps 2014, quand le PQ a perdu le pouvoir. J’ai trouvé que Pauline Marois ne méritait pas un tel sort que de perdre le pouvoir après un aussi court mandat. »
Éprouvante, la vie de ministre
Le passage de Stéphane Bergeron au conseil des ministres a été plus court que ce qu’il avait souhaité, soit moins de deux ans, mais il a été marqué par des événements bouleversants et tragiques. La soirée de l’élection du Parti québécois de Pauline Marois du 4 septembre est assombrie par un attentat au Métropolis et la mort d’une personne.
« Cet événement a marqué ma fille, qui n’était pas encore au secondaire à l’époque. Nous étions à l’intérieur du Métropolis, nous ne savions pas trop ce qui se passait, mais le Québec savait ce qui se passait. Ma fille était restée au local électoral et regardait le tout à la télévision. J’ai réalisé que ç’avait beaucoup affecté ma fille après ma nomination comme ministre. »
Stéphane Bergeron a vite réalisé tout le côté humain que comportait sa fonction. En tant que ministre de la Sécurité publique, il a eu à gérer trois terribles tragédies. La première est survenue en janvier 2013 à L’Épiphanie. Un affaissement était survenu dans une carrière et avait emporté la vie de deux camionneurs. Quelques mois plus tard, en juillet, il mettait fin à ses vacances à la suite du déraillement de train qui a fait exploser le centre-ville de Lac-Mégantic.
« J’étais en Europe. Je suis parti seul, ma femme et ma fille sont restées. Rendu sur place, devant l’ampleur de la tragédie, je n’ai pas versé de larmes. Je me suis dit que la dernière chose dont ces gens avaient besoin était de voir un ministre pleurer. […] Quand la série [sur les événements] a été diffusée sur TVA, je n’étais pas chaud à l’idée de l’écouter. Je l’ai fait et les valves se sont ouvertes. C’est allé chercher des émotions chez moi. Je recommande fortement aux gens de regarder cette série. »
La troisième tragédie est survenue dans la nuit du 23 janvier 2014 où un incendie majeur a ravagé une résidence pour personnes âgées de L’Isle-Verte, près de Rivière-du-Loup, au Bas-Saint-Laurent; 32 personnes sont décédées. « J’ai dû consoler un citoyen qui se sentait responsable de la mort de sa mère, car il l’avait convaincu d’aller rester dans cette résidence et qu’elle y serait bien. Je lui ai notamment dit que la dernière chose que sa mère voudrait est qu’il se sente coupable. »
La chose dont il demeure toutefois le plus fier est d’avoir contribué à sauver la vie d’un homme, William Samson, originaire de Nouvelle-Écosse, arrêté et emprisonné en Arabie saoudite en 2000. « Ce dossier est venu à moi et j’ai mené des efforts pour que l’homme soit libéré. Il est malheureusement décédé quelques années plus tard. »
La souveraineté toujours possible
Stéphane Bergeron aura toujours le projet de la souveraineté du Québec tatoué sur le cœur. « Jacques Parizeau avait fait l’analogie d’une partie de hockey qui se joue en trois périodes. L’élection du Bloc en 1993 était la première, l’élection du PQ au pouvoir en 1994 la deuxième et le référendum la troisième. Je crois que nous recommençons le même cycle. »
M. Bergeron assure de plus que s’il y a un troisième référendum, il n’entend pas être sur les lignes de côté « impuissant face à l’issue de la partie ». « Je veux être sur le terrain pour pouvoir faire une différence. »