«C’était très valorisant pour lui. Du jour au lendemain ils nous ont annoncé qu’il n’y aurait plus de stage», déplore son père, Gilles Sancartier.
Sylvain bénéficiait depuis l’âge de 20 ans d’un programme de stage qui lui permettait de travailler quelques jours par semaine dans une entreprise. Sylvain gagnait un petit salaire de 2,35$/ heure. Le programme permettait à Sylvain de travailler, même s’il est incapable de tenir un emploi à temps plein, explique son père.
Dans une réorientation de ses activités, le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et trouble envahissant du développement (CRDITED) Montérégie-Est a choisi de transformer ces stages, dont certains perduraient depuis des dizaines d’années, en emploi ou en bénévolat définitif.
«Nous, une fois que la personne est intégrée, on peut se retirer du soutien dont elle a besoin», explique Marie-Claude Charrette, coordonnatrice du service intégration et travail au CRDITED. Elle admet que dans certains cas, le retrait du CRDITED d’un dossier a peut-être poussé certaines entreprises à remettre en question l’emploi d’un usager particulier.
Marie Fréchette, la directrice du foyer pour personnes avec un handicap intellectuel L’Arche Beloeil, soutient que le fait que de ne plus pouvoir se référer au CRDITED en cas de problème fait aussi hésiter certaines entreprises, même si son organisme a offert d’assurer ce soutien auprès des entreprises pour remplacer le CRDITED.
Une autre raison qui explique le retrait des entreprises est sans doute la hausse des assurances associée à l’intégration de bénévoles en entreprise.
Pas de salaire
L’entreprise où œuvrait Sylvain ne pouvait pas engager de bénévole en raison du syndicat. Il a donc perdu son emploi. Le CRDITED œuvre maintenant à trouver un nouveau milieu de travail, mais le père de Sylvain, lui, peine à comprendre la démarche du CRDITED. «C’est un net recul sur tous les aspects – pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler à plein temps. Il n’y a plus rien qui existe entre ça et le vrai emploi. C’est réellement frustrant après 27 ans de travail», lance-t-il.
Le fait de ne plus payer les stagiaires pour leur travail suscite aussi la gronde. Mme Fréchette soutient que le maigre salaire que recevaient les usagers avait un fort impact symbolique pour eux et un effet valorisant. Selon Mme Charrette, l’entreprise pouvait auparavant donner une allocation à son stagiaire en vertu d’une entente tripartite. L’entente ne tient toutefois plus.
Même si Sylvain ne recevait que 2,35$/ heure pour ses services, c’était tout de même un salaire qui lui permettait de s’intégrer à la société. «Sylvain aime ça avoir de l’argent dans ses poches comme les autres. Si on va en quelque part et qu’on lui dit tu paies tes choses, il est content. On dirait qu’il participe au milieu. Il n’est pas différent des autres», explique son père
Services coupés
En attendant, Sylvain ne fait rien, mis à part les ateliers auxquels il participe à l’Arche. Il n’est d’ailleurs pas le seul dans sa situation. À l’Arche, la directrice confirme que d’autres usagers ont aussi perdu leur stage ou ont subi une diminution de services.
Elle cite en exemple le cas d’une personne qui travaillait quatre jours à temps plein sur un plateau de travail, destiné à intégrer le marché communautaire. «On lui disait »c’est le fun tu vas partir dans le communautaire toute seule ». Elle avait deux fois quatre heures dans la semaine.»
L’organisme tente de les occuper pour le moment avec les ateliers et des tâches telles que la collecte de feuille, mais Mme Fréchette se questionne sur le déroulement des choses quand l’hiver viendra. L’impact se fait ressentir, notamment par une hausse des troubles de comportement le soir ou par des crises d’anxiété chez l’un des usagers.
Pas d’argent
L’organisme communautaire L’Arche Beloeil tente actuellement de remettre sur pied le programme de stage dont bénéficiait Sylvain. Mais faute d’argent, la directrice Marie Fréchette souligne que le programme ne pourra malheureusement que subvenir aux besoins des usagers de l’Arche en premier lieu.
Selon Mme Fréchette, la raison pour laquelle le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) choisit de se retirer des dossiers découle d’une réorganisation amorcée il y a plusieurs années. Les CRDITED se concentrent dorénavant sur leur mission d’adaptation ou de réadaptation.
Les Centre de santé, plus particulièrement les CLSC, ont la mission de s’occuper des services généraux et spécifiques comme le maintien des acquis. «La grosse problématique, c’est que les CLSC n’ont ni les ressources humaines ni financières pour jouer le rôle de premier répondant. Ils s’en remettent au milieu communautaire pour subvenir au service de maintien des acquis, mais ils n’ont pas d’argent à nous donner et nous n’en avons pas», expose Marie Fréchette.