18 novembre 2024 - 05:00
Trouver le coupable
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Le documentaire Alphas, diffusé sur Télé-Québec, a mis en lumière un phénomène troublant : des hommes prônant des valeurs traditionnelles comme l’exercice, la discipline et le succès entrepreneurial, dans un discours souvent empreint de misogynie, d’homophobie et d’antiféminisme. Ces idées peuvent sembler aberrantes pour certains, mais elles séduisent ceux en quête de repères. Surtout, ces idées sont souvent des idées simplistes qui proposent des solutions à des problèmes ou des réalités beaucoup plus complexes

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Parfois, il ne faut pas grand-chose pour basculer d’un côté ou de l’autre. Des années au secondaire ordinaires, entouré d’amis comme toi, qui tentent de se faire oublier plutôt que de s’imposer. Un manque de confiance pour parler aux filles. Ce n’est pas difficile de penser que ce sont toujours les mêmes gars populaires qui ont droit à tout. Puis tu arrives sur le marché du travail et tu peines à trouver l’emploi que tu veux. Tu gagnes moins d’argent. La colère monte. J’en ai eu aussi. Et face aux injustices du monde, tu cherches un coupable. D’abord le riche, puis pourquoi pas la femme ou l’immigré. Quelqu’un pour expliquer ton désarroi.

J’ai eu la chance que YouTube, sous sa forme actuelle, n’existait pas au début des années 2000-2005. Que des influenceurs, apparemment confiants (mais profondément meurtris dans leur ego), n’étaient pas là pour me vendre des programmes bidons de coaching de vie sous prétexte de fournir la recette du bonheur.

Si tu es un jeune homme en difficulté, tu peux avoir l’impression que la société ne veut pas t’entendre. Tu entends dire que tu n’as pas à te plaindre parce que tu as des privilèges, que ta virilité ou ta masculinité est toxique (ce n’est pas ce qu’on dit, mais c’est ce que tu comprends). Tu remarques que les femmes autour de toi semblent bien aller, qu’elles réussissent mieux à l’école, qu’elles revendiquent encore des droits tout en semblant avoir du succès sur les sites de rencontre, alors que toi, tu fais du surplace. Tu commences à faire des amalgames. Surtout si ton échappatoire, c’est le web et YouTube (les hommes âgés de 25 à 34 ans constituent le groupe démographique le plus important sur YouTube), et que les algorithmes t’enferment dans des vidéos de figures toxiques comme Andrew Tate. Et comme l’humain tend à être victime de biais de confirmation, il retient ce qui fait son affaire. Il retient la discipline, le succès avec les femmes, mais oublie les accusations criminelles par exemple contre Andrew Tate. Comme le disait l’influenceur masculiniste Julien Bournival dans le documentaire, « personne n’est parfait » en parlant de l’abjecte personne qu’est Andrew Tate.

Il n’y a peut-être pas de crise de la masculinité, comme le dit le chercheur Francis Dupuis-Déri dans le documentaire. Mais beaucoup de gars peuvent penser que oui et c’est suffisant pour les dérouter.

La solution? Pas simple. Une éducation sociale dans nos écoles, un peu plus de discussions entre parents et adolescents, de l’empathie et, surtout, un peu moins de temps pour ces jeunes gars, seuls, enfermés dans leur chambre, passé sur YouTube avec leur téléphone.

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