Originaire de Saint-Hyacinthe, le guitariste s’est dirigé vers le Cégep de Drummondville pour étudier en musique, se spécialisant dans le profil Compositions et arrangements. « Avant mes études, je savais que j’aimais faire de la création, mais je ne savais pas qu’on pouvait vraiment en faire un métier! En troisième année au cégep, c’est devenu évident pour moi que je voulais aller en composition et que j’ai su que je voulais allier ma passion pour la musique et pour les jeux vidéo », raconte Samuel Desrosiers.
Il a ensuite poursuivi ses études à l’Université de Sherbrooke, où il a notamment rencontré Samuel Laflamme (compositeur des jeux Outlast 1 et 2), avec qui il a beaucoup collaboré depuis. « Nous nous sommes liés d’amitié et il m’a trouvé de la job, soit pour jouer de la guitare sur des tracks ou pour collaborer sur des bandes sonores. »
C’est ainsi qu’il a participé à plusieurs compositions de la série jeunesse Subito texto et même touché à des pièces de Outlast 2, tout en travaillant ses propres projets en parallèle. « Je prends les contrats qui passent, mais ce qui me drive le plus, c’est les jeux avec une histoire dedans. J’aime poser des questions sur le lore, même si le jeu n’est pas narratif et je m’accroche à ça pour inspirer mes compositions. […] Certains projets sont moins intéressants que d’autres, mais j’essaie toujours de trouver mon plaisir et je suis généralement assez content de mon travail. »
Année charnière
L’année 2020 a changé beaucoup de choses pour la vie et la carrière du compositeur. La pandémie est arrivée, mais aussi la naissance de son fils et l’achat d’une maison à Mont-Saint-Hilaire. « Tout est arrivé en même temps et j’ai fait le choix d’installer mon studio à la maison, plutôt que de continuer avec celui que je louais à Montréal. Je m’ennuie un peu d’être entouré de gens créatifs, mais je suis aussi très bien chez moi dans ma petite bulle. »
L’année 2020 est aussi celle où on l’a approché pour travailler sur This Bed We Made, grâce à un contact avec qui il avait travaillé gratuitement par le passé. « J’ai travaillé on and off sur le jeu pendant trois ans et c’est enfin sorti le 1er novembre! C’est fou de penser que ça a pu avoir lieu parce que j’ai fait un projet gratuit quelques années auparavant : ça a été rentable à la fin! » Il confirme d’ailleurs que c’est en faisant des projets « pas payants » que l’on arrive à se faire des amis dans le milieu qui vont se souvenir de nous quand ils auront besoin d’un compositeur pour un projet.
« Le meilleur des deux mondes »
Samuel Desrosiers est aussi à l’aise avec la musique de jeux que celle de films et This Bed We Made lui offrait un peu les deux. « C’est un jeu avec beaucoup de cutscenes, un peu comme un film interactif. C’est vraiment le plus gros projet sur lequel j’ai été le seul à composer : il y a un peu plus d’une heure de musique originale là-dedans. »
Le défi était stimulant, mais loin d’être facile, alors qu’il devait commencer à composer avec seulement des images très préliminaires du jeu. « J’aime me faire une liste d’écoute avec ce que je pense qui peut fitter dans le style et je la partage avec les concepteurs pour avoir leur avis. Pour ce jeu, j’ai retenu de la musique de Bernard Herrmann (Taxi Driver et plusieurs films d’Alfred Hitchcock, dont Vertigo) et celle du jeu L.A. Noire. Puis, on définit comment la musique sera installée dans le jeu, l’interactivité, le mood, les mécaniques de transition… »
Il explique aussi qu’à la fin du jeu, un montage est présenté, montrant ce qui arrive aux différents personnages selon les choix qui ont été faits à travers l’histoire. « C’était un défi parce que, selon ce que le joueur décide, chaque personnage peut avoir une fin positive ou négative et cela devait s’entendre dans la musique. J’ai donc composé de petits segments qui s’enchaînent bien, en reprenant les thèmes entendus dans le jeu. C’est beaucoup de travail, mais le joueur ne s’en rendra jamais compte! »
Il note les bonnes critiques jusqu’à présent et sent que ce contrat pourrait lui créer de nouvelles opportunités pour l’avenir. « C’est une grosse étape pour moi, ce jeu, et je pense que ça aura un impact à long terme. Une carrière, ça se bâtit une brique à la fois, mais c’était une bonne brique! »
Sur cette bande sonore de 35 titres (disponible sur les plateformes numériques), le compositeur avoue avoir un faible pour « Behind Every Door Lies a Mystery », qui n’a été utilisée que dans la dernière bande-annonce pour le jeu. « C’est une des dernières que j’ai composées, et je trouve qu’elle donne une bonne vue d’ensemble du jeu. J’aime aussi les pistes plus ambiantes et les thèmes de certains personnages. Le jeu se passe dans les années 50, mais on m’a laissé m’amuser avec des sons qui ne sortent pas que des 50’s », commente Samuel Desrosiers.
« Je pense que mon interprétation de ce que les gens veulent est assez bonne en général. Et quand je me trompe, je suis assez conciliant et ouvert, c’est ce qui fait que les gens me font vite confiance », estime le compositeur. S’il ne considère pas que ses propositions « sortent du lot », elles sont toujours bien amenées, et avec passion, dans le projet. « Je pense que ça paraît que je suis un passionné et que j’aime trouver un sens à la musique dans chacun de mes projets », soutient celui qui cite Thomas Newman (Trouver Nemo et American Beauty pour n’en nommer que quelques-uns) et Jóhann Jóhannsson (notamment Arrival de Denis Villeneuve) parmi ses compositeurs préférés.
Grosse année en vue
Si l’Hilairemontais carbure aux multiples projets, il reconnaît que 2024 risque d’être bien occupé si plusieurs gros projets débloquent en même temps. Lowbirth Games pourrait travailler sur un autre jeu dans le même esprit que This Bed We Made, alors qu’une autre compagnie qui l’a approché est en attente de financement pour être en mesure d’aller de l’avant avec la création d’un jeu. « J’avoue que si les deux projets reçoivent le financement en même temps, ça risque d’être intense pour moi! » D’autres plus petits projets, comme la bande sonore d’un documentaire, devraient aussi suivre quelque part en 2024.
À plus court terme, Samuel Desrosiers participe aussi à la bande sonore du court-métrage Halloween Stalks II, qui a été tourné cet automne. C’était aussi lui qui était derrière la musique du premier volet du fan film, vu 134 000 fois sur YouTube depuis sa sortie en janvier dernier. Cette visibilité a même amené de jeunes cinéastes américains à le contacter pour composer la musique de leur propre court-métrage d’horreur.
Avec tout ça, il admet avoir parfois envie de composer pour lui, même s’il a de la difficulté à être focus quand il n’a pas de cadre précis. « Je vais peut-être sortir un petit EP de musique ambiante instrumentale un de ces jours. Je pense à ça à temps perdu et je ne me donne aucun deadline pour ça. C’est sûr que c’est le fun de créer de la musique en dehors du cadre d’un film ou d’un jeu, mais j’aime aussi vraiment le travail collaboratif que ça entraîne », explique Samuel Desrosiers.
Le jeu This Bed We Made a été officiellement lancé le 1er novembre, sur PlayStation 5 et Steam. Depuis le 13 décembre, il est aussi disponible sur PlayStation 4 et Xbox Series X et S.