C’est l’artiste en arts visuels de Westmount Michael Cutler qui réalise le film, basé sur les écrits et les recherches de sa mère journaliste, May Cutler, qui s’était beaucoup intéressée à la vie de Borduas, qu’elle considérait comme le « Jackson Pollock du Canada ». « Ma mère me parlait toujours de lui et me disait que je devais peindre davantage comme lui. Pour elle, Borduas n’était pas que le peintre le plus important du Québec, mais peut-être une des personnalités les plus importantes de l’histoire du Canada », raconte Michael Cutler, qui a hérité de ses notes à son décès. Pour lui, l’histoire de Paul-Émile Borduas ne devait pas se raconter dans un livre, mais bien dans un film. Il a ainsi mijoté huit ans sur ce projet, qui a finalement été tourné la semaine dernière à Mont-Saint-Hilaire, directement à la Maison Paul-Émile-Borduas et à l’église Saint-Hilaire. « Je n’en reviens pas que personne ne l’ait fait avant! »
C’est d’ailleurs un résident de Mont-Saint-Hilaire, l’acteur Patrick Caux, qui a été retenu pour incarner le fameux peintre. « J’ai été approché l’automne dernier. Un anglophone m’a appelé pour me demander si je voulais jouer ce rôle et tourner dans cette maison située à deux coins de rue de chez moi. Je pensais que c’était une blague au début! Mais j’ai vite vu qu’il était sérieux et que c’était un très beau projet », raconte-t-il. Ce tournage permet de raconter cette période charnière pour le Québec à travers les yeux de Borduas, entre 1950 et 1953 environ.
Au moment de l’arrivée de L’ŒIL à la Maison Paul-Émile-Borduas transformée en plateau de tournage, on tournait une scène importante où la femme de Borduas, Gabrielle, lui exprime sa colère de voir que le village de Saint-Hilaire les évite maintenant comme la peste depuis la sortie du Refus global et que la famille n’aura bientôt plus assez d’argent pour se nourrir. « Il y a eu beaucoup d’écrits sur la peinture de Borduas, bien peu sur sa vie personnelle. Avec ce qu’a récolté Mme Cutler, on peut dire que les dialogues sont assez proches de ce qui s’est vraiment passé. Et même si le manifeste a eu beaucoup de répercussions négatives sur sa vie, Borduas n’a jamais renié ce qu’il a écrit, même si ça s’est fait au prix de son propre bonheur », raconte Patrick Caux. Rappelons que c’est notamment les conséquences du Refus global au Québec qui l’ont amené à s’exiler à l’étranger dans les dernières années de sa vie, jusqu’à son décès en 1960, à 54 ans.
La notion de sacrifice se retrouve d’ailleurs dans le titre du film. La passion de Paul-Émile Borduas se veut un clin d’œil à La passion du Christ. Ironiquement, la croisade de Borduas à travers le Refus global est plutôt contre l’Église catholique.
Possible long-métrage
Patrick Caux salue la ténacité de Michael Cutler, qui a investi ses propres sous (quelques dizaines de milliers de dollars!) pour s’assurer que le film puisse voir le jour à temps pour les 75 ans du Refus global. « Le but serait que le court-métrage circule et fasse parler pour éventuellement recevoir les fonds pour en faire un film complet », espère-t-il. « Borduas le mériterait. C’est un homme tellement important pour le Québec et le Canada qu’il faut que son histoire se sache », conclut M. Cutler.
La passion de Paul-Émile Borduas doit voir le jour d’ici la fin de l’été. Une projection du court-métrage d’une quinzaine de minutes risque fort bien d’être au programme des célébrations des 75 ans du Refus global en plus d’une lecture publique du manifeste. D’autres activités chapeautées par le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire doivent aussi être organisées.