Père d’un joueur des Pirates du Richelieu, Will Louis a rejoint l’organisation en 2023 en tant que coordonnateur offensif pour l’équipe atome. En plus de son rôle d’entraîneur, il a été membre du conseil d’administration (CA) de septembre 2023 jusqu’à sa démission en septembre 2024, alors que son mandat devait initialement durer deux ans.
Selon Will Louis, tout commence véritablement à l’été 2024. « J’ai connu une année 2023 très positive avec les Pirates. Je suis à Mont-Saint-Hilaire depuis 7 ans et je n’ai jamais connu de racisme », dit l’homme qui venait de déménager de Toronto. Ce dernier s’est rapidement impliqué auprès des jeunes joueurs de football, mais aussi en politique municipale au sein du parti politique Transition MSH.
Mais, en 2024, un entraîneur* impliqué dans l’organisation, ainsi que sa conjointe, auraient adopté à l’endroit de M. Louis une attitude agressive, marquée par des confrontations verbales. Ces gestes auraient également visé son fils et un autre joueur, aussi à la peau noire. « Ça allait au-delà d’un simple désaccord. C’était personnel, dirigé contre moi et contre mon fils », raconte Will Louis.
Son amie Nathalie Provost précise, de son côté, ne pas avoir entendu de propos explicitement racistes, mais affirme avoir constaté « une haine systématique, qui ne visait que Will », de la part de cet entraîneur. « [Ce coach] le traitait de mauvais coach, de bon à rien et devenait de plus en plus intense. C’était de l’intimidation », raconte-t-elle. Il était aussi très dur envers lui dans des échanges courriel avec d’autres parents, messages dont L’ŒIL a pu obtenir copie.
Une ancienne membre du CA, Helsa Mya Bois D’or, elle aussi de race noire, confirme que M. Louis a été victime de racisme, plus qu’elle. « Surtout dans le cas de [l’entraîneur], c’est carrément ça; des propos, des messages. Sa femme a tenu des propos directs, sans se gêner, dont certains que je n’ai même pas dits à Will. » Elle pense aussi que l’organisation n’en a pas fait assez pour désamorcer cette situation.
Will Louis affirme avoir enduré un temps pour ne pas faire des vagues. Mais des gens de son entourage lui ont suggéré de dénoncer la situation. « Je ne voulais pas de problème. Je n’ai pas dit un mot pendant huit mois. Je ne voulais pas mettre d’énergie sur ça, je voulais me concentrer sur les enfants. »
En entrevue avec L’Œil Régional, il dit avoir senti que certaines personnes de l’organisation ne « voulaient pas de noirs dans leur environnement ». S’il a décidé de faire une sortie publique, c’est avec le souhait que l’organisation, qu’il chérit, puisse s’améliorer. « Là, je me bats pour la suite et pour les enfants. Pour qu’on puisse avoir des coachs asiatiques, gais, femmes. »
Dans sa plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), Will Louis affirme avoir ressenti une réelle peur de représailles physiques. Il dit avoir craint pour sa sécurité, notamment. « J’avais peur que [cet entraîneur] débarque chez moi », raconte Will. Cet entraîneur aurait notamment dit à d’autres parents « qu’il aurait sa tête ».
À la fin de la saison 2024, cet entraîneur a été renvoyé pour avoir commis des actes de harcèlement à « motivation raciale », avance Will. Même s’il n’était plus coach, ce parent aurait continué sur les lignes de côté à s’attaquer à la réputation de Will, ajoute Mme Provost.
M. Louis dit avoir soumis un rapport au CA détaillant ces incidents, notamment sur les lignes de côté, mais selon lui, le CA ne lui a pas offert de réel soutien. Après le dépôt de ce rapport, une réunion avec l’entraîneur principal et les membres de l’équipe a toutefois eu lieu début septembre 2024. Selon M. Louis, les griefs ont été discutés, mais le CA a seulement remis un avertissement au parent et à sa conjointe. Toutefois, le CA aurait choisi de ne pas en informer Will, qui l’a découvert plus tard. En raison de cette mauvaise gestion, Will Louis affirme qu’il ne se sentait ni appuyé ni protégé par ses collègues.
Processus arbitraire pour l’entraîneur-chef
Parallèlement à ces tensions, Will Louis souhaitait accéder au poste d’entraîneur-chef (head coach) pour la saison 2024-2025. Contrairement à ses prédécesseurs, il a dû se soumettre à une procédure d’affichage officiel du poste, à une entrevue et à un vote du conseil. Selon lui, aucun entraîneur-chef n’avait auparavant dû franchir de telles étapes.
Pour Will et Nathalie, cette différence de traitement illustre un « deux poids, deux mesures » qui a miné la confiance dans le processus.
En juin 2025, un conflit concernant la gestion du personnel dans une équipe de flag football se conclut par la mise à pied de Will Louis et de Nathalie Provost, qui dirigeaient l’équipe, à la suite d’avis disciplinaires que ces derniers jugent flous et arbitraires. Leur tentative de réconciliation, demandée par le président du CA Kenny Roy, est toutefois rejetée par un « comité de discipline » que M. Louis et Mme Provost estiment non indépendant, composé de membres du CA. Depuis leur mise à pied, les deux entraîneurs affirment avoir demandé à obtenir copie des plaintes, des preuves présentées et des procès-verbaux pour justifier la décision du CA. Ils disent n’avoir reçu aucune documentation.
Silence de l’organisation
Sollicités à plusieurs reprises, le président des Pirates, Kenny Roy, ainsi que l’ancien président Louis-Martin Tremblay (2021 à 2024) ont refusé de répondre à nos questions ou de nous accorder une entrevue. Parlant au nom de l’organisation, M. Roy a souligné qu’il ne « formulerait aucun commentaire », concernant la plainte puisqu’il n’en avait pas obtenu copie. Relancée à plusieurs reprises pour commenter ce qui ne touchait pas la plainte, notamment les allégations de racisme, de gouvernance déficiente ou de mise à pied arbitraire, l’organisation a aussi souligné qu’elle ne répondrait pas à nos questions pour le moment. De son côté, M. Tremblay a souligné avoir toujours agi avec « diligence » pendant son mandat.
*Le journal a choisi de ne pas identifier le parent et entraîneur visé par les accusations de comportements racistes mentionnés par Will Louis, notamment parce que l’article porte sur l’organisation et ses supposés manquements à soutenir Will Louis lors des événements.