25 juin 2024 - 05:00
Découvert par Louis et Norman Handfield
Un papillon nommé en l’honneur de Mont-Saint-Hilaire
Par: Olivier Dénommée
Collectionneur de papillons depuis 1964, l’Hilairemonais Louis Handfield a fait plusieurs découvertes ces dernières années, dont le Paranthrene hilairemontis, qu’il a observé pour la première fois en 2016. Photo François Larivière | L’Œil Régional ©

Collectionneur de papillons depuis 1964, l’Hilairemonais Louis Handfield a fait plusieurs découvertes ces dernières années, dont le Paranthrene hilairemontis, qu’il a observé pour la première fois en 2016. Photo François Larivière | L’Œil Régional ©

Le Paranthrene hilairemontis a la particularité d’imiter presque à la perfection une variété de guêpes, le protégeant ainsi de certains prédateurs. Photo gracieuseté

Le Paranthrene hilairemontis a la particularité d’imiter presque à la perfection une variété de guêpes, le protégeant ainsi de certains prédateurs. Photo gracieuseté

Peu le savent, mais Mont-Saint-Hilaire a un papillon à son nom : découvert en 2016 par les Hilairemontais Louis et Norman Handfield, ils ont voulu faire honneur à leur ville en lui donnant le nom Paranthrene hilairemontis.
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Le Paranthrene est un genre de papillons de nuit de la famille des Sesiidæ, mais Louis Handfield, collectionnant les papillons depuis 1964, n’en avait jamais vu comme le spécimen qu’il a attrapé derrière chez lui en 2016. Le papillon en question a une envergure d’environ 30 mm et imite une guêpe, possiblement le Dolichovespula maculata, en français la guêpe à taches blanches, autant dans ses couleurs que sa taille et son habitat. « Cette guêpe fait son nid très haut dans les chênes rouges et le papillon fait probablement la même chose pour se protéger. Les guêpes ne s’en soucient pas, mais les oiseaux les évitent », explique Louis Handfield, comparant ce moyen de défense à celui d’autres papillons, dont le vice-roi qui imite les couleurs du monarque, un papillon toxique pour ses éventuels prédateurs comme les oiseaux, pour les décourager de l’attaquer. Ainsi, quelqu’un qui croiserait par hasard un Paranthrene hilairemontis risque de croire qu’il vient de voir une guêpe plutôt qu’un papillon inoffensif et rare.

Depuis sa découverte, ce papillon n’a été observé qu’aux deux ans, aux années paires, dans le sud du Québec et dans la région d’Ottawa, et en juin seulement, notamment entre le 13 et le 22 juin en début d’après-midi, grâce à des pièges à phéromones posés dans des zones où se trouvent des chênes rouges centenaires. Comme les phéromones n’attirent que les mâles, jamais une femelle de cette espèce n’a encore été vue, de même que pour les larves qui sont présumées rester très haut dans les arbres sans jamais descendre au niveau du sol.

Notaire de profession, Louis Handfield a quand même toujours accordé une grande place à sa passion des papillons, accumulant une collection impressionnante de spécimens et de livres sur le sujet. « Ma mère collectionnait les timbres et, comme j’étais enfant unique, je m’ennuyais et j’ai commencé à m’intéresser aux insectes, puis aux papillons plus particulièrement. J’étais chanceux, Mont-Saint-Hilaire était reconnue à l’époque comme la Mecque des papillons et je n’ai jamais eu à aller très loin pour en trouver. » Il a aussi beaucoup collaboré avec deux de ses cousins, Daniel et Norman, pour chasser des papillons dans la région, et a su concilier le travail, sa passion et sa vie personnelle. « J’ai réussi parce que j’ai une épouse compréhensive! Il y a beaucoup de voyages que l’on n’a pas faits parce que je dépensais pour des livres sur les papillons à la place! Sans elle, je n’aurais pas pu tout faire ce que j’ai fait et on va célébrer cet automne 50 ans de mariage! »

C’était donc avec un grand bonheur qu’il a découvert ce nouveau spécimen en 2016, ce qui lui a donné le privilège de choisir son nom. Plutôt que de le nommer à partir d’une caractéristique physique, il a opté pour le nom latin de la ville où il a été attrapé en premier, faisant en sorte que seule Mont-Saint-Hilaire peut se targuer d’avoir un papillon à son nom. « Mont-Saint-Hilaire, j’ai vécu ici toute ma vie et j’ai cette ville tatouée sur le cœur. Ça allait de soi de donner ce nom au premier papillon que j’ai découvert et il reste le Paranthrene hilairemontis même s’il est attrapé à Ottawa! » Depuis cette découverte, Louis Handfield est tombé sur au moins huit autres nouvelles espèces, mais celles-ci ont des noms plus conventionnels, basés sur des particularités physiques qui les démarquent des autres.

Toujours quelque chose à apprendre

Véritable passionné, Louis Handfield est aussi derrière Le guide des papillons du Québec, la Bible des papillons trouvés sur le territoire québécois dont une première édition a vu le jour en 1999 avant d’avoir droit à des rééditions au début des années 2010. Or, dans son dernier livre, l’auteur recensait un peu plus de 1500 espèces, alors que 300 autres espèces ont depuis été répertoriées, dont le Paranthrene hilairemontis, le menant à travailler sur une nouvelle version plus à jour. « J’espère que le prochain livre verra le jour dans deux ans. J’ai écrit tous les textes sur 1800 espèces et c’est un confrère qui s’occupe des photos. […] Avec ce livre, le papillon au Québec sera la seule faune en Amérique à être traitée complètement, avec la distribution et les images de chacune. Aucune autre espèce n’a été traitée comme ça, encore moins en français! », soutient-il avec fierté, notant au passage que même s’il n’est pas traduit, son guide a connu beaucoup de succès au Canada anglais et aux États-Unis, gage de la qualité de son ouvrage.

Même s’il est une sommité sur les papillons au Québec, Louis Handfield continue de faire ce qu’il fait purement par passion, ne bénéficiant d’aucun soutien financier pour mettre à jour son guide exhaustif sur les papillons… Et il espère même que son travail ne soit jamais complètement à jour non plus! « C’est mon but que, dès sa sortie, on découvre d’autres espèces. Je me souviens, à la sortie du précédent livre, quelqu’un est venu avec un spécimen de papillon dans une boîte au lancement et m’a demandé ce que c’était. C’était un spécimen que je ne connaissais pas et, dès le jour 1, le livre n’était déjà plus à jour! Ça fait partie du plaisir de découvrir et les recherches ne seront jamais tout à fait terminées. »

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