2 Décembre 2024 - 05:00
Un pas de recul
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Je tente d’absorber tout ce qui touche à Northvolt, particulièrement en ce qui concerne la future usine au Québec. En plus des médias traditionnels, je me gave des pages Facebook d’initiatives citoyennes, et ma boîte courriel est remplie d’alertes Google. Pas une journée ne passe sans une nouvelle de Northvolt, qu’elle provienne des froides contrées scandinaves ou du terrain marécageux situé à Saint-Basile-le-Grand.

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Je n’ai jamais vu autant de loupes braquées sur un seul sujet depuis que j’ai commencé dans le métier. Nous avons aussi la chance que le sujet intéresse deux journalistes de grande qualité, Thomas Gerbet (Radio-Canada) et Alexandre Shields (Le Devoir), qui scrutent le projet à la loupe.

Toutefois, tout cela me fait penser que nous manquons un peu de recul. Nous développons – en tout cas, c’est mon cas – une vision très quotidienne du sujet. Comme vous, je vois les problèmes de l’industrie de la batterie et les chutes des titres boursiers des gros joueurs du secteur. Comme vous, j’observe la débâcle financière de Northvolt, surtout en Suède : une usine à qui on voulait donner le bon Dieu sans confession. Les clients qui abandonnent l’usine, comme BMW, les investisseurs exigeant des garanties, la compagnie qui se place à l’abri de ses créanciers, l’embauche d’un nouveau PDG pour redresser les finances, les menaces du futur président Trump de sabrer dans le programme climatique de l’Inflation Reduction Act (IRA)… Ce même programme qui a poussé le gouvernement du Canada à sortir les gros sous pour attirer la jeune pousse suédoise. Avec la fin de l’IRA, c’est probablement aussi la fin de bien des subventions canadiennes promises.

Pourtant, le cofondateur et président-directeur général de Northvolt en Amérique du Nord, Paolo Cerruti, maintient que Northvolt garde le cap avec son usine québécoise et que la restructuration de la maison-mère ne concerne pas directement les opérations canadiennes. « On a nos liquidités, on a une indépendance financière qui est réelle. Il faudra encore aller chercher de l’argent à l’avenir, mais pour le moment, nous avons l’argent qu’il nous faut. On continue de considérer – et c’est aussi l’avis de nos banques, de nos actionnaires, du conseil d’administration – que le Canada reste une pièce maîtresse de l’expansion de Northvolt. En dehors d’Europe, c’est la tête de pont pour rentrer sur le marché américain. Donc oui, le projet, on veut continuer à le faire. Il va voir le jour », disait-il au micro du 98,5 il y a quelques jours à peine.

C’est à ce même micro que l’ancien ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a déclaré récemment qu’il croyait encore à la naissance de la filière batterie au Québec. Que même si le chemin pouvait paraître « sinueux », cette industrie de 17 milliards (dont Northvolt représente un investissement de 7 milliards) devrait rester. Ultimement, les forces du Québec (hydroélectricité, présence de minéraux critiques, talent) et la volonté de nombreux acteurs de ne plus dépendre de l’Asie (les champions de la batterie) permettront à cette filière de naître ici. Il ne précise pas si Northvolt fera partie de l’équation, mais il pense qu’en adoptant une vision macro, on remarquera que les « forces vives » sont bien présentes.

Et pour le moment, c’est sur ce peu de positif que je m’accroche : cette vision macro, un peu au-dessus de la mêlée quotidienne.

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