« Pendant la première année, la courbe d’apprentissage était très élevée, et elle l’était tout autant pendant la deuxième! », lance d’entrée de jeu l’élue, qui n’avait jamais fait de politique active avant de se présenter à la tête de son parti Oser Belœil, mais qui était bien familière avec le langage d’une Ville pour avoir été à l’emploi de Belœil pendant 10 ans. « Je ne partais pas de zéro en arrivant ici, mais ma surprise a été de voir combien de dossiers on devait traiter rapidement et en même temps. Le nombre de décisions importantes à prendre à l’heure est assez impressionnant. »
Selon Nadine Viau, « Belœil est dans une phase vraiment vibrante », avec le développement d’un tout nouveau quartier et la requalification de ceux déjà existants, ce qui rend chaque décision particulièrement importante. « Mais j’adore la curiosité et le professionnalisme des conseillers autour de la table. C’est un conseil qui a envie de participer aux orientations, qui pose des questions et qui est prêt à reporter un vote pour éviter de prendre une décision précipitée. »
Et même si le projet d’usine de Northvolt n’aura pas lieu à Belœil, elle anticipe des effets partout dans la région. « Il y aura un avant et un après, c’est clair. Par exemple, avec notre nouveau quartier, on nous disait que ce qu’on voulait ne correspondait pas aux besoins du marché, mais là, tout d’un coup, ce n’est même pas construit qu’on sait que ce sera presque vendu d’avance. » Elle sent que l’arrivée de la méga-usine aura un impact sur les besoins en transport en commun et créera possiblement des « opportunités » pour développer la 116 et le Mail Montenach.
Taxes foncières
La question des taxes a été très houleuse à Belœil ces dernières années. Pendant l’élection, le parti de Mme Viau proposait un gel du taux de taxe pendant toute la durée de son mandat, mais le conseil a finalement voté une hausse de 1,55 % pour le secteur résidentiel en 2022. Mais, en 2023, Belœil est parvenue à geler le compte de taxes moyen des citoyens en refilant l’ensemble de la facture aux bâtiments commerciaux et industriels, choix qui a même fait jaser dans certains médias au niveau national. En 2024, la Ville n’a toutefois pas d’autre choix que de hausser les taux, mais pas au-delà du niveau de l’inflation. « Avec les hausses dans les quotes-parts qui sont terribles et le soutien gouvernemental qui ne va pas super bien, un gel serait impensable pour 2024 », se résigne la mairesse.
Parcs controversés
Nadine Viau a éclaté de rire lorsque le journaliste lui a demandé si elle savait en se lançant en politique qu’elle parlerait du parc canin aussi régulièrement. « Si on m’avait dit en me lançant que j’allais gérer un parc à chiens tous les jours, j’aurais dit que je préfère continuer ce que je fais à la place! » Si la situation actuelle est inconfortable, causant à la fois le mécontentement des voisins et celui des utilisateurs, c’est toujours selon la mairesse la bonne position pour l’ensemble des citoyens. « Penser à une nouvelle infrastructure, c’est une chose; vivre avec une qui est déjà là, ça en est une autre. Le parc existe, il est là et il répond à un besoin clairement identifié. On est constamment à la recherche de solutions en attendant d’avoir un deuxième endroit. Tant qu’on a pas ce choix d’un deuxième emplacement, on ne peut que vivre avec la décision qui a été prise », martèle-t-elle.
Elle convient qu’il est probable que le voisinage du parc ne cesse pas de demander la fermeture du parc, même lorsque le second sera ouvert. Elle compare cette situation à un autre parc controversé, Charles-Larocque, doté d’un terrain de basketball achalandé pendant la belle saison. « C’est aussi un dossier chaud, mais on ne peut pas réfléchir à l’avenir du parc ou se positionner tant qu’on n’a pas un autre endroit où aller avant. Dans le cas du basket, on a une concentration à Polybel avec des jeunes passionnés, mais pas d’infrastructure à proximité! Si on fermait Charles-Larocque, ça aurait des impacts sur tous les utilisateurs et c’est la même chose pour le parc à chiens. Je sais que plusieurs villes ont décidé de fermer le leur, mais avant d’en arriver là, il faut voir les conséquences que cela aurait. »
Avec la moitié de son mandat de fait, elle reconnaît que certains dossiers prennent plus de temps que ce qu’elle aurait espéré, comme l’avancement des projets de développement sur le territoire et, bien sûr, le dossier de la future école. « On a autant hâte que les citoyens qu’elle ouvre. Si on avait été de l’avant avec une école dans un parc, elle serait déjà ouverte ou presque, mais le conseil de l’époque a fait le bon choix de reculer », commente-t-elle. Elle voit tout de même de belles avancées à Belœil depuis deux ans, comme la gratuité du circuit local du transport en commun et les mesures pour favoriser la participation citoyenne.
Une année perdue
Nadine Viau a reconnu que la première année de son mandat a été la plus éprouvante, principalement à cause de la dynamique au conseil. « Le fait d’être cheffe d’un parti minoritaire et mairesse en même temps a heurté des gens et les énergies des membres du conseil ne se sont pas toujours mises au bon endroit. On a été “décentrés” pendant la première année, mais ce n’était à l’avantage de personne, ni de l’administration ni du citoyen. Ce n’est pas agréable de se lever le matin avec une boule dans le ventre et de se demander quelle sera la prochaine jambette qu’on te fera. »
Rappelons que le décès subit du conseiller de l’opposition Pierre Verret en avril 2022 a forcé une élection partielle menant à l’élection de Marc-Olivier Bérubé, issu de l’équipe de la mairesse, mais que des doutes sur son éligibilité l’ont poussé à démissionner quelques mois plus tard, menant à l’élection de Stéphane Lepage, aussi d’Oser Belœil, en décembre 2022. « Après la dernière élection partielle, on a obtenu une majorité et ça a imposé un certain respect. C’est là qu’on s’est vraiment mis à travailler pour le citoyen. J’ai un peu l’impression que mon mandat n’a commencé qu’en janvier 2023 », commente-t-elle.
Elle ne voit toutefois pas les élus issus des autres partis comme des ennemis. « On a des visions différentes, mais on est tous capables d’être constructifs. Les différents points de vue, je trouve ça riche et j’avais hâte qu’on mette notre partisanerie de côté. On discute des idées et il y a toujours de bonnes questions qui émanent des conseillers qui ne sont pas nécessairement d’accord. » La mairesse rappelle aussi avoir mis en place des mesures pour donner la parole aux autres élus, qui ont maintenant une période vers la fin des séances publiques pour s’exprimer sur des enjeux qui leur tiennent à cœur. Mais va-t-elle jusqu’à dire que les tensions sont bel et bien derrière le conseil? « Je pense qu’on a tous gagné en maturité et que les gens savent qu’il y a de l’espace pour discuter, répond Nadine Viau après un moment d’hésitation. Personne autour de la table ne veut détruire Belœil, personne ne veut faire exploser une bombe et recommencer à zéro. »
À deux ans des prochaines élections générales, Nadine Viau songe déjà à briguer un deuxième mandat. « Ne serait-ce que parce que j’ai l’impression d’être devenue mairesse en janvier 2023 seulement. C’est là que j’ai senti le positif arriver et j’ai l’impression qu’un deuxième mandat serait intéressant, si les citoyens veulent me le donner, bien sûr! » Dans tous les cas, elle se souhaite deux autres années plus « stables » que le début de son mandat.
Équilibre fragile
Depuis qu’elle a fait le saut en politique, Nadine Viau semble être partout en même temps. Elle confirme son plaisir d’être présente aux différents événements et de suivre les travaux de nombreux comités, mais a appris ces derniers mois à revoir certaines priorités.
« L’engagement, je le trouve valorisant, extraordinaire. En étant mairesse, je peux changer la vie de quelqu’un. Être partout, ce n’est pas un effort pour moi. J’ai toujours été une fille engagée dans plein de choses et je le suis toujours, autant dans les comités et commissions qu’à la Ville, à la MRC et dans les régies », raconte-t-elle. Mais elle reconnaît du même souffle avoir un équilibre de vie « pourri ». « Mon chum en prend beaucoup sur ses épaules. Il réussit au moins à me bloquer quelques moments en famille non négociables! Une fois par saison, on part pour la fin de semaine et les vacances en famille, c’est important. J’ai aussi appris à bloquer des moments dans mon horaire juste pour moi. »
Le 24 avril 2023, Nadine Viau avoue avoir eu un déclic. C’était soir de séance publique, mais aussi l’anniversaire d’une de ses filles, un jour qu’elle n’avait encore jamais raté sous aucun prétexte. « Je ne m’en étais pas rendu compte dans le feu de l’action, mais à la table du conseil, devant les caméras, j’ai réalisé que je n’étais pas au bon endroit, que mon implication m’avait amenée à manquer sa fête. […] Ça a été le début de ma réflexion pour avoir un meilleur équilibre travail-famille. »
Périodes difficiles
« À travers les moments difficiles, j’ai l’impression d’avoir grandi; je ne me sens plus la même personne. J’ai la même détermination, la même fougue. Par contre, je suis capable de remettre davantage les choses en contexte qu’au départ », assure l’élue. Parmi les moments plus éprouvants jusqu’à présent, elle note l’instabilité de la première année, mais aussi le décès de Pierre Verret. « Ce que j’ai trouvé rough aussi, c’est que c’était la première fois de ma vie que je me faisais haïr de façon gratuite. J’ai trouvé ça très dur. » Elle déplore aussi les « langues sales » qui « travaillent fort pour chercher une stratégie malsaine derrière chaque décision qui est prise ».
Plus personnellement, elle trouve difficile le regard de ses enfants qui voient comment elle est dépeinte dans les médias de la région. « Mes filles lisent le journal et je me souviens que l’une d’elles a pleuré la première fois que j’ai été caricaturée dans L’Œil Régional. »
Par contre, elle n’inclut pas dans ses moments difficiles la séance du 24 octobre 2022 où les esprits se sont échauffés entre les élus au point où Nadine Viau a décidé d’apostropher l’ancien conseiller Réginald Gagnon qui se trouvait dans la salle, menant à une poursuite en diffamation qui s’est toutefois réglée à l’amiable quelques mois plus tard. « Ça m’a marquée, cet événement, mais je ne dirais pas que c’était dans mes pires moments. J’ai appris beaucoup de cet épisode et je le vois comme un bel apprentissage. »