Si André Leroux est associé depuis longtemps à la scène jazz montréalaise, il a grandi dans la Vallée-du-Richelieu, ayant vécu plusieurs années à Otterburn Park et ayant fréquenté l’école secondaire Ozias-Leduc, où il a joué ses toutes premières notes au saxophone ténor, son instrument de prédilection. Il se souvient encore des Carmen Lafontaine et Marcel St-Maurice qui ont rapidement vu son talent musical. À ses débuts, il a aussi été très actif dans la région, jouant de la musique pendant les messes à Mont-Saint-Hilaire ou participant à l’Orchestre philharmonique de Saint- Hyacinthe. Durant son adolescence, André Leroux se souvient d’avoir énormément « jammé » sur la musique de l’album Breakfast in America de Supertramp, affichant vite un intérêt pour l’improvisation.
Selon André Leroux, son talent musical lui vient directement de son père, ingénieur de métier, mais aussi un homme-orchestre aussi doué au piano qu’à l’harmonica. « Mais il voulait que je me trouve une “vraie job” et ça m’a amené à étudier en Sciences pures au Cégep de Saint-Hyacinthe. Mes amis musiciens ont fini par me convaincre de lâcher pour aller en musique au Cégep de Saint-Laurent à la place! »
C’est là qu’il a fait la rencontre de Pierre Tremblay, qui lui a « fait aimer le saxophone classique », et qu’il a appris à être autant à l’aise à jouer du classique que dans un big band. Il a poursuivi ses études en classique à l’Université de Montréal, mais n’a jamais obtenu son diplôme, ayant quitté l’école pour jouer de la musique sur des bateaux de croisière parcourant les Caraïbes, puis avec le Cirque du Soleil.
Depuis, le nom d’André Leroux est partout, lui qui a fondé le quatuor de saxophones Quasar il y a 30 ans et joué dans des groupes comme le Wild Unit de Michel Cusson, le big band de Vic Vogel ou encore le François Bourassa Quartet (avec qui il a d’ailleurs gagné un Juno en 2002), pour n’en nommer que quelques-uns. « J’ai toujours été à l’aise d’être un caméléon, de m’intégrer assez facilement avec n’importe quel artiste. Ma force est aussi la lecture à vue, alors je peux remplacer quelqu’un à la dernière minute et ça ne paraîtra même pas », raconte le saxophoniste, qui se dit meilleur comme accompagnateur que comme band leader, un titre qu’il n’a jamais senti le besoin d’avoir. Cela ne l’a quand même pas empêché d’accepter les invitations d’enregistrer quelques albums à son nom, dont le premier qui a vu le jour en 2009.
Carte blanche
C’est la même chose qui est arrivée avec Échanges synaptiques, alors qu’il a été approché par son ami Benoît Gagné qui voulait créer une série d’albums mettant en vedette ses musiciens jazz préférés sur sa propre étiquette. « Il m’a donné carte blanche et ça m’a donné l’occasion de réaliser le fantasme de jouer avec la section rythmique qui a accompagné Steve Grossman. La première moitié de l’album était un hommage à John Coltrane et à Steve Grossman – le musicien le plus proche de Coltrane que j’ai pu entendre en vrai –, l’autre moitié, avec d’autres musiciens, m’a permis d’explorer différents rythmes. » Cela a donné un album d’un peu plus d’une heure avec deux énergies très différentes l’une de l’autre, avec même quelques défis techniques pour l’enregistrement de la deuxième facette de l’album.
« Je ne m’étais fait aucune attente pour ce disque, mais j’ai été surpris de le voir recevoir de belles critiques à sa sortie. Le Juno, c’était même une surprise totale et je n’ai même pas pu assister à la cérémonie pour le recevoir en personne! » Il commente aussi avec humilité qu’il y a énormément de musiciens talentueux partout à travers le monde, mais que la plupart n’obtiendront jamais de reconnaissance.
André Leroux a reçu une pluie de félicitations depuis l’annonce, mais il ne sent pas que ce prix va complètement changer sa carrière. « J’ai 61 ans. Si j’en avais encore 35, ça aurait sûrement été une autre paire de manches! Pour moi, la vie continue, même si je me considère chanceux d’avoir reçu ce prix. C’est sûr que ça pourra aider lorsque je ferai des demandes de bourses pour des projets futurs par exemple. »
Comme bien d’autres musiciens, André Leroux considère que ce n’est pas en enregistrant des albums qu’il gagne sa vie, misant davantage sur des contrats de spectacle payants et, en particulier, l’enseignement pour transmettre sa passion et ses connaissances aux autres générations. « Le jazz, c’est un beau hobby », lance-t-il en riant. Après avoir eu des mois extrêmement chargés avec différents projets, il admet avoir hâte à l’été pour jouer au golf.
Mais avant, il a encore quelques spectacles devant lui, incluant deux performances au Festival international de jazz de Montréal, le 30 juin pour son propre projet et le 5 juillet avec François Bourassa. Plus près de nous, André Leroux fera partie du big band de Joe Sullivan, invité dans le cadre du Cabaret jazz d’Yvan Belleau organisé au Centre culturel et communautaire de la Pointe-Valaine le 1er mai. « Je ne pensais jamais revenir jouer à Otterburn Park! Je risque toutefois de me faire plus discret pendant le spectacle, à moins qu’on m’en donne la permission », conclut-il, le sourire dans la voix.