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Le document d’une vingtaine de pages, intitulé « Étude des résultats de suivi de la qualité de l’eau pour la Piscine en eaux vives de la Ville de Belœil », est daté du 6 novembre 2024, mais n’a jamais été déposé en séance du conseil municipal. L’Œil Régional l’a toutefois obtenu d’une source anonyme pour constater ses conclusions.
En général, l’étude est assez positive et conclut que la baignade est tout à fait possible dans la rivière Richelieu. Les auteurs remercient d’ailleurs les élus de la Ville de Belœil pour cette initiative qui « a brillamment démontré qu’il est possible de se baigner sécuritairement dans le Richelieu et place [Belœil] dans une position de meneurs pour favoriser l’accès à l’eau partout au Québec et à l’international ».
Dans le cadre du programme de suivi de la qualité de l’eau, 418 analyses ColiMinder et 77 analyses traditionnelles ont été réalisées entre le 5 juin et le 26 août 2024, montrant l’évolution de la qualité de l’eau à plusieurs moments au courant de la belle saison.
Selon le rapport, la qualité de l’eau est « excellente » par temps sec, mais le réseau d’égout pluvial est très sensible aux précipitations, causant régulièrement des surverses qui nuisent par la suite à la qualité de l’eau pendant plusieurs heures. Il suffit par exemple de 2 mm de pluie en 24 h ou de 1 mm en une heure pour qu’il y ait des débordements, menant à la fermeture préventive de la piscine en eau vive. Le rapport estime qu’il y a aussi possiblement des contaminants en amont, venant de Saint-Jean-sur-Richelieu ou d’autres municipalités à proximité du Richelieu.
Les limites du ColiMinder
Belœil a loué pendant la dernière saison estivale un appareil ColiMinder, dont la technologie permet de connaître presque en temps réel l’état de l’eau dans la rivière; les résultats sont prêts en 15 minutes, par rapport à des résultats traditionnels qui peuvent prendre de 3 à 5 jours. Cette machine, développée en Autriche, sert principalement à mesurer la quantité de bactéries E. coli dans l’eau, mais l’étude reconnaît qu’« on a été confronté aux limites de l’appareil rapportées par la littérature scientifique qui souligne la faible corrélation entre la mesure enzymatique du ColiMinder et les mesures traditionnelles lorsque les niveaux de E. coli sont sous la barre des 1000 UFC/100 mL, ce qui a été le cas la plupart du temps à Belœil ». L’unité de mesure unités formatrices de colonies (UFC) est couramment utilisée pour évaluer la quantité de bactéries E. coli dans l’eau, mais les normes sur la quantité jugée acceptable varient grandement d’un endroit à l’autre; Santé Canada retient un seuil acceptable à 235 UFC/100 mL, alors qu’à Paris, par exemple, la norme est plutôt de 900. Le ColiMinder est donc beaucoup moins efficace dans un contexte où, même en temps de pluie, le niveau de contamination était estimé à 292 UFC/100 mL et dépassait assez rarement la barre des 500. L’étude précise donc qu’il ne faut pas s’appuyer sur le ColiMinder pour décider du moment de la fermeture et de la réouverture de la piscine. Le rapport note qu’à travers l’été, si la Ville s’était fiée uniquement aux résultats du ColiMinder, la piscine en eau vive aurait été fermée six journées de plus à cause d’un résultat faux positif, et aurait été ouverte pendant trois journées où elle aurait été contaminée. Malgré tout, l’étude mentionne que la piscine a été ouverte trop tôt à deux reprises en 2024, les 13 juillet et 15 août.
De plus, des problèmes techniques ont fait en sorte que le ColiMinder n’a pas été en fonction pendant une bonne partie de la saison, soit une quarantaine de journées, pour diverses raisons : 3 jours d’inactivité ont été causés par la tempête Debby, 14 à cause d’un problème d’alimentation électrique, 10 jours par la fuite de réactifs, nécessitant une livraison de matériel venant d’Autriche, et 15 jours par l’usure de la tubulure et la contamination de la chambre de mesure du ColiMinder. Le rapport indique d’ailleurs que ce dernier problème n’était pas encore réglé à la fin de la saison de la baignade. Malgré les avantages conférés par l’usage du ColiMinder en 2024, la Fondation Rivière considère que « son utilisation n’est pas nécessaire pour assurer la sécurité de la baignade dans les prochaines années ».
Notons qu’à aucun endroit dans l’étude il n’est question de contaminants industriels qui pourraient se trouver dans le Richelieu; l’étude ne s’intéresse qu’à la concentration d’E. coli dans l’eau.
Recommandations
La Fondation Rivières recommande à Belœil de mettre en place un protocole basé sur un système d’alerte automatique en cas de surverse dans lequel la piscine en eau vive serait automatiquement fermée jusqu’à 24 h après la fin de l’alerte. Notons qu’en 2024, la Régie d’assainissement des eaux de la Vallée du Richelieu (RAEVR) informait la Ville d’un débordement seulement 24 heures plus tard, même si les ouvrages de surverse sont déjà dotés d’équipements permettant de lancer une alerte en temps réel.
Les autres recommandations incluent d’investiguer la sources des contaminations provenant de l’amont de Belœil, de réaliser une campagne d’échantillonnage intensive entre mai et juin dans le but de valider et de raffiner le protocole, et, en cas de pluie extrême, de maintenir la fermeture de la piscine tant que des analyses plus poussées ne confirment pas un retour à la normale au niveau des contaminants.
Si le retour de la piscine en eau vive est assurée cet été, il n’est pas encore précisé lesquelles des recommandations formulées par la Fondation Rivières seront effectivement mises en place.