Mme Hamelin a été surprise de l’engouement par une première publication Facebook pour obtenir un peu d’aide. « Je ne pensais jamais que ça allait avoir toute cette visibilité, dit Mme Hamelin. Je pensais que ça resterait dans la famille et auprès des amis. Mais la publication s’est partagée plus de 100 fois rapidement et les gens ont été très généreux. » La famille a notamment récolté un vélo et suffisamment de vêtements et de jouets pour accueillir Darina et sa fille Inara. Mme Hamelin a même dû monter une liste pour tenir à jour tous les dons reçus, dans l’éventualité où Darina ne pourrait plus traverser l’océan. Pour gérer tout ce flux de dons, Rosalie Hamelin a décidé de mettre sur pied une page Facebook pour gérer les offres.
D’ailleurs, sa volonté d’accueillir l’Ukrainienne a inspiré d’autres Québécois à s’investir et à accueillir des Ukrainiens. Plusieurs internautes sont entrés en contact avec Rosalie Hamelin pour obtenir de l’information sur la marche à suivre.
Premier contact
C’est par les réseaux sociaux que Rosalie Hamelin est entrée en contact avec Darina. Elle voguait sur le web sans trop savoir comment apporter son aide. « Ça me touche beaucoup ces événements, surtout quand ça implique les enfants. Je me demandais ce que je pourrais faire pour aider, mais c’est difficile de trouver », répond Rosalie Hamelin.
C’est un peu par hasard qu’elle est tombée sur le groupe Facebook « CANADA – Host Ukrainians / Hébergeons les Ukrainiens » et qu’elle est entrée en contact avec la maman.
Le lien entre Rosalie et Darina s’est rapidement bâti, notamment sur les questions religieuses. « J’ai été élevée dans une famille croyante. Je connais les valeurs qu’elle peut avoir et je peux répondre à son besoin. Aussi, Darina est designer graphique. Je pourrais lui offrir probablement un travail », dit la propriétaire de l’agenceStudio Pink, qui a ses bureaux à Belœil.
L’entrepreneuse a donc envoyé un premier message à l’Ukrainienne le 21 mars dernier. « Elle m’a répondu “c’est un miracle de rencontrer quelqu’un comme toi”. On a commencé à se parler tous les jours. Nous avons beaucoup de points en commun. »
Résidente de Kyiv, la capitale du pays, Darina a rapidement pris le train avec sa fille au début du conflit pour se réfugier à Lviv, près de la frontière polonaise. Alors que son mari policier a été mobilisé pour aller au combat, Darina participe de son côté à l’effort de guerre en confectionnant du matériel de camouflage.
Adaptation
Même si la maison de Belœil n’est pas adaptée pour accueillir une autre famille, ça n’a pas empêché la mère de suggérer l’idée à sa famille. « Je me suis dit qu’ils n’avaient plus rien! Entre avoir un sous-sol, même sans chambre, ou pas de toit, c’était quand même mieux », explique la mère de famille.
Devant cette proposition, son conjoint, Benoit Houle, admet avoir été un peu frileux au début, mais il a fini par se faire à l’idée. Les deux filles du couple, âgées de 17 et 12 ans, ont rapidement été charmées par l’idée d’avoir une « petite sœur » dans la maison. La famille procède donc à la rénovation d’une partie du sous-sol pour bâtir une petite chambre et une salle d’eau pour fournir un peu d’intimité.
Mais l’arrivée de Darina pourrait être encore longue. L’Ukrainienne doit compléter plusieurs démarches pour obtenir son visa, mais le processus est complexe et long. Rosalie Hamelin espère que le Canada pourra permettre d’accélérer les démarches.
Mais en attendant, tout ce que peut faire la petite famille québécoise, c’est de garder contact via Internet avec Darina. « Je lui parle tous les jours. Je la considère déjà comme une bonne amie. J’ai peur pour elle et je m’inquiète. »
Le quotidien de Darina
Rosalie Hamelin a publié un message de Darina, traduit via une application, pour montrer la réalité de l’Ukrainienne.
Les premiers jours
« Ce mois-ci, nous avons vécu sans mari et sans père.
23 février : Il a été appelé à la décharge le 23 février. Le lendemain, à 6 h du matin, mon téléphone éclatait d’appels; mon mari, ma mère, d’une seule voix, affirmait que la guerre avait commencé.
Je me souviens des premiers jours : files d’attente pour les guichets automatiques et pharmacies, supermarchés. Un jour plus tard, à 5 h du matin, une roquette s’est envolée vers notre quartier, elle a déchiré les maisons de mon quartier; une onde sonore et un rugissement étaient si puissants que j’ai sauté du lit et attrapé mon enfant et me suis précipité profondément dans l’appartement pour m’échapper.
Nous avons passé les trois nuits suivantes dans un stationnement non loin de la maison. Inara a commencé à s’habituer au fait que nous allions dormir tous les soirs à l’extérieur de l’appartement. Après ces trois jours, Inara a commencé à avoir une température sévère et les jours suivants nous sommes restées à la maison, les sirènes sont devenues plus fréquentes.
Sur la vie à Lviv
« La vie ici coule dans son tournant habituel et presque rien ne ressemble à la guerre sauf les sirènes, quelques étagères vides et chariots avec l’inscription, forces de défense territoriale dans les supermarchés, journalistes et téléscripteurs au centre. »
La guerre a déchiré mes amis à travers le pays et au-delà, m’a séparé de ma famille, détruit ma terre et tué mes concitoyens.
J’ai vieilli… Oui, les cheveux gris sont devenus plus épais, les rides sont plus profondes.
J’en ai vraiment marre d’être seule mentalement avec personne sur qui m’appuyer et c’est dur.
Dieu donne la force et envoie de bonnes personnes sur le chemin. Gloire à lui! Je rêve de rentrer à la maison et d’embrasser mon mari, ma mère (Inara manque énormément son père et demande sa maison); mais ensuite, je commence à réaliser que cela n’arrivera peut-être jamais et je pleure.